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1. - Le matelot est assailli par la tempête ; le mineur vit entre le grisou et les éboulements, l'ouvrier se meut au milieu des roues et des courroies de la machine de fer ; la mutilation et la mort se dressent devant le salarié qui travaille : le capitaliste qui ne travaille pas est à l'abri de tout danger.
2 - Le travail éreinte, tue et n'enrichit pas : on amasse de la fortune, non pas en travaillant, mais en faisant travailler les autres.
3 - La propriété est le fruit du travail et la récompense de la paresse.
4 - On ne tire pas du vin d'un caillou, ni des profits d'un cadavre : on n'exploite que les vivants. Le bourreau qui guillotine un criminel fraude le capital d'un animal à exploiter.
5 - L'argent et tout ce qui rapporte n'ont point d'odeur.
6 - L'argent rachète ses qualités honteuses par sa quantité.
7 - L'argent tient lieu de vertu à celui qui possède,
8 - Un bienfait n'est pas un bon placement portant intérêt.
9 - En se couchant mieux vaut se dire j'ai fait une bonne affaire qu'une bonne action.
10 - Le patron qui fait travailler les salariés quatorze heures sur vingt-quatre ne perd pas sa journée.
11 - N'épargne ni le bon, ni le mauvais ouvrier, car le bon comme le mauvais cheval a besoin de l'éperon.
12 - L'arbre qui ne donne pas de fruits doit être arraché et brûlé ; l'ouvrier qui ne porte plus de profits doit être condamné à la faim.
13 - L'ouvrier qui se révolte, nourris-le avec du plomb.
14 - La feuille du mûrier prend plus de temps à se transformer en satin que le salarié en capital.
15 - Voler en grand et restituer en petit, c'est la philanthropie.
16 - Faire coopérer les ouvriers à l'édification de sa fortune, c'est la coopération.
17 - Prendre la plus grosse part des fruits du travail, c'est la participation.
18 - Le capitaliste, libertaire fanatique, ne pratique pas l'aumône ; car elle enlève au sans-travail la liberté de mourir de faim.
19 - Les hommes ne sont rien de plus que des machines à produire et à consommer : le capitaliste achète les uns et court après les autres.
20 - Le capitaliste à deux langues dans sa bouche, l'une pour acheter et l'autre pour vendre.
21 - La bouche qui ment donne la vie à la bourse.
22 - La délicatesse et l'honnêteté sont les poisons des affaires.
23 - Voler tout le monde ce n'est voler personne.
24 - Démontre que l'homme est capable de dévouement ainsi que le caniche, en te dévouant à toi-même.
25 - Méfie-toi du malhonnête homme, mais ne te fie pas à l'homme honnête.
26 - Promettre prouve de la bonhomie et de l'urbanité, mais tenir sa promesse dénote de la faiblesse mentale.
27 - Les pièces de monnaie sont frappées à l'effigie du souverain ou de la République, parce que, comme les oiseaux du ciel, elles n'appartiennent qu'à celui qui les attrape.
28 - Les pièces de cent sous se relèvent toujours après être tombées, même dans l'ordure.
29 - Tu t'inquiètes de beaucoup de choses, tu te crées bien des soucis, tu t'efforces d'être honnête, tu ambitionnes le savoir, tu brigues les places, tu recherches les honneurs ; et tout cela n'est que vanité et pâture de vent ; une seule chose est nécessaire : le Capital, encore le Capital.
30 - La jeunesse se fane, la beauté se flétrit, l'intelligence s'obscurcit, l'or, seul, ne se ride, ni ne vieillit.
31 - L'argent est l'âme du capitaliste et le mobile de ses actions.
32 - Je le dis en vérité, il y a plus de gloire à être un portefeuille bourré d'or, et de billets de banque, qu'un homme plus chargé de talents et de vertus que l'âne portant des légumes au marché.
33 - Le génie, l'esprit, la pudeur, la probité, la beauté n'existent que parce qu'ils ont une valeur vénale.
34 - La vertu et le travail ne sont utiles que chez autrui.
35 - Il n'y a rien de meilleur pour le capitaliste que de boire, manger et paillarder : c'est aussi ce qui lui restera de plus certain quand il aura terminé ses jours.
36 - Tant qu'il demeure parmi les hommes qu'éclaire et que réchauffe le soleil, le capitaliste doit jouir, car on ne vit pas deux fois la même heure et on n'échappe pas à la méchante et à la vilaine vieillesse qui saisit l'homme par la tête et le pousse dans le tombeau.
37 - Au sépulcre où tu vas, tes vertus ne t'accompagneront pas ; tu ne trouveras que des vers.
38 - Hors un ventre plein et digérant gaillardement et des sens robustes et satisfaits, il n'y a que vanité et rongement d'esprit.
Paul Lafargue, « La religion du capital » (1887).
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Source : 'Précieuses pépites' sur Plan C. Pdf à télécharger librement
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