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Heureux les doux
A l’heure des textos, des e-mails, des licenciements économiques, dans une société oppressante, je souhaite faire l'éloge de la vertu de douceur. Quand la concurrence sévit, lorsqu'un climat de compétition règne, comment ne pas sombrer dans la brutalité, l'agressivité ou l'indifférence? Et très concrètement, comment ne pas sur-réagir à ce courrier un peu froid ? Comment rester libre devant l'autre sans pour autant se réfugier à l'abri de soi, bien au chaud? Loin de la niaiserie, la douceur constitue à mes yeux la véritable force de l'homme. Ce qui fait dire à Spinoza que le sage agit avec humanité et douceur. Être doux avec soi, oser une bienveillance, exiger le meilleur avec tendresse relève d'une ascèse et cela me plaît.
Les coups de la vie et les déceptions me poussent souvent à rêver d'une insensibilité et, risquons le mot, d'une froideur qui en imposeraient et me protégeraient durablement des blessures qui naissent inévitablement d'une rencontre authentique. Il y a peu, je m'entretenais avec un chirurgien. Il affirmait que, sans distance, sans barrière, le quotidien serait insupportable. Je suis de plus en plus convaincu du contraire. Cependant, tenir une attitude aussi éloignée de la crispation sécuritaire que d'une sensiblerie pathologique est délicat. La douceur permet cette justesse. Contrairement à ce que l'on peut croire, elle ne tolère pas tout. Rien ne la contrarie davantage que la candeur qui accepte l’intolérable et ne réagit à rien. La douceur n'est pas une passivité mais un élan vital.
Concilier douceur et détermination est sans doute l'une des choses les plus difficiles au monde, je l'avoue. De là à se priver d'un si fécond mariage, y a un pas que je me refuse de franchir. Je me couperais de l'essentiel. Oser la douceur, c'est quitter résolument la brutalité, la violence, la distance pour accueillir autrui, le réel et soi sans aucune rudesse, c'est devenir profondément actif et résister joyeusement à toutes les passions tristes qui peuvent s'élever. Sur ce difficile chemin, je trouve des guides : le Bouddha, le Christ avant tout, Spinoza, Etty Hillesum et tant d'autres. Je m'émerveille que ces doux soient des hommes et des femmes d'une force extraordinaire, presque surhumaine. On est loin du fadasse, du sirupeux et de l'inertie. Dans la lettre aux Galates, Saint Paul considère au contraire cette vertu comme un fruit de l'Esprit, au même titre que l'amour, la joie, la paix, la patience, la bienveillance, la confiance dans les autres, la douceur et la maîtrise de soi.
Pourquoi tant d'esprits chagrins dévalorisent la douceur ? Pour ma part, je désire faire de chaque rencontre, de chaque être humain croisé dans la rue, de chaque proche, un maître en douceur. Trouver en chaque personne une occasion d'abandonner peu à peu les réflexes, les instincts qui me portent à la colère, à l'agressivité. qui m'incitent à m'affirmer et à m’imposer. Je souhaite accueillir le monde le plus tendrement possible. Concrètement, tout peut devenir terrain d'exercices : un e-mail indélicat, un passant trop pressé, un vendeur discourtois, voilà autant de maîtres qui m'exhortent à pratiquer la douceur quand tout me conduirait à la brutalité. La douceur ne vient pas de la répression, il ne s'agit pas de mettre une pierre sur nos rages, nos emportements mais, bien au contraire, de les recevoir avec tendresse et bienveillance. Car, souvent, la première victime de nos rudesses, c'est nous-mêmes.
ALEXANDRE JOLLIEN
Tags : douceur
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Commentaires
17daniellegMercredi 13 Novembre 2013 à 14:04Encore,et toujours savoir que c'est DIEU qui nous invite a trouvé la bonne attitude,face a ce qui se présente a nous d'instants en instants!
Bises.
16NéaMercredi 13 Novembre 2013 à 14:04Et la douceur animale alors ???
http://www.youtube.com/v/D85yrIgA4Nk
J'aime beaucoup cette vidéo, et j'avais justement envie de l'envoyer à quelqu'un qui sache l'apprécier...
Bises.
15NéaMercredi 13 Novembre 2013 à 14:04Oui, c'est mimi tout plein.....et surtout surprenant. Des réincarnations de Bouddha certainement!
Mettre de l'espace entre nos bosses Très beau Lilou, comme au creux des bras de l'autre, un lac tranquille.
Bonjour
Tes textes font toujours réfléchir aux biens être des personnes
Je suis quelqu'un de très douce et de très gentille mais il m'arrive parfois de me mettre en colère malheureusement!
Bonne journée
Bisous
Angeline
Superbe texte ! La douceur est sûrement la qualité que j'apprécie le plus chez quelqu'un. Elle est rare en profondeur !
Bonne soirée, bises
Ainsi avonsnous de nombreuses aspérités
Forgées aux bosses de la vie .La douceur occupe les creux
Comme l'eau elle peut s'étendreIl suffit juste de lui faire place.
Bonjour MariYog,
J'aime la douceur, je suis une adepte. Ce texte fait réfléchir à notre quotidien.
bonne journée
Et on r'cominche, comme ils disent ici.
Justement je lis Dürckheim. Il dit que jusqu'au bout on reste un disciple. Juste avant de mourir il dit à Jacques Castermane: "Je vais vous dire quel est le dernier danger pour le petit moi: c'est celui de vouloir mourir héroïquement".
On peut très bien être clairvoyant et sembler dur vu de l'extérieur mais savoir qu'au fond ce n'est que pour remuer le peuple qui se laisse au contraire bercer par les illusions.
Contrairement à ce que l'on peut croire, la douceur ne tolère pas tout. Rien ne la contrarie davantage que la candeur qui accepte l’intolérable et ne réagit à rien. La douceur n'est pas une passivité mais un élan vital.
Est ce que le traitement -le châtiment- qu'on leur doit est entendu par ceux-là même concernés? J'en doute. Seul le temps fera l'affaire, quoi qu'il en soit, me semble t-il.
Belle et douce journée
Ca demande du recul. Faire un pas en arrière, laisser le guidon entre les mains d'un autre qui est nous, plus haut. Ca s'apprend, chaque jour, chaque instant. On tombe et on recommence.
J'aime votre goût pour la douceur, mais, vous me connaissez un peu, vous vous doutez bien que ça ne me va pas.
Car il n'y a pas que des belles âmes dans la vie, il y a des êtres qui ont tout de démons personnifiés, même si ce n'est que temporaire, à cause de circonstances.
Il faut les traiter comme il se doit.
On m'a dit plein de fois que j'étais douce. On me le dit encore.
C'est ce que je dégage. De la douceur.
A la biodanse, notamment . "Ah quelle douceur !" disent-ils tous avec pâmoison.
Qui en veut ?
Merci pour cette réflexion qui me touche du plus profond ...
Oui la réponse est là s'accueuillir avant tout et le reste ce fera par lui même ...
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Via le sourir intérieur !