• « La structure de l'illusion » par D. Casterman

     

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    La confusion

     

     

    « Le moi n’est pas l’être, mais une résistance universelle, dont le but est de se laisser détruire. »

     

    C. Suarès

     

    « L’homme naît fils de Dieu et totalement participant de la nature du principe suprême de l’univers, mais il naît amnésique, oublieux de son origine, illusoirement convaincu qu’il n’est que ce corps limité et mortel que perçoivent ses sens. Amnésique, il souffre de se sentir illusoirement abandonné de Dieu, et il s’agite dans le temporel en quête d’affirmations divinisantes qu’il ne saurait y trouver ».

     

    H. Benoit

     

     

    Nous avons tous des caractéristiques, affectives, mentales, physiques et matérielles, les unes acquises héréditairement (ce que nous appelons par exemple les traits de caractère), les autres socialement, culturellement ou personnellement. Ces caractéristiques nous singularisent au sein de la multiplicité des êtres et des choses, en même temps elles conditionnent, différemment pour chacun d’entre nous, nos réactions face à l’événement. D’autre part, ces mêmes caractéristiques symbolisent l’avoir, notre avoir.

     

     

    Avons-nous déjà essayé de saisir qui nous sommes réellement, ou plus exactement, que serions-nous dans notre conscience si l’on cessait de s’identifier à nos caractéristiques, à notre avoir. Nous ignorons généralement que l’identification, que le fait de nous identifier avec nos « qualités particulières » est synonyme de confusion entre l’avoir et l’être.

     

     

    Si nous ne sommes pas nos caractéristiques, qui sommes-nous donc ?

     

     

    Pour approcher partiellement la question fondamentale du « Qui sommes-nous ? », il serait peut-être nécessaire d’essayer de voir d’abord ce que nous ne sommes pas, de nous défaire progressivement de ces images d’être, de nos constructions mentales illusoires, de nos fausses identifications qui nous empêchent d’être nous-même.

     

     

    Notons que devant une même situation, chacun d’entre nous réagit différemment étant entendu que la réaction n’est pas causée par la situation seule, mais bien par cette situation qui interfère avec notre structure personnelle, c’est-à-dire, pour cette raison, du point de vue de la morale, et la morale est nécessaire pour construire une société équilibrée, nous ne sommes pas des dieux ! soyons juge des actes et non des personnes, même si cela ne change rien dans les faits, nous aurons une vision plus juste de l’homme.

     

     

    L’homme pense avec des mots qu’il associe à des images mentales et des états émotifs variables auxquels il identifie les événements pour se construire une représentation du monde et de lui-même; c’est ce que j’appellerai « la pensée psychologique ». Il existe deux types de pensée : d’une part, ce que nous avons nommé les « pensées psychologiques » et, d’autre part, ce que nous appellerons les « pensées naturelles ».

     

    Ces dernières ont pour objectif de régler fonctionnellement notre vie quotidienne; elles fondent les progrès des sciences et des techniques, elles constatent « l’ordre explicite » des êtres et des choses. Notons l’existence parallèle de ce qu’on pourrait appeler la « pensée intuitive » qui accompagne presque toujours les grandes et petites révélations ou découvertes.

     

     

    « La pensée naturelle » forme des conceptions strictement limitées aux vérités relatives qu’elle peut constater. Ces conceptions sont soumises aux lois du changement en même temps qu’aux lois de notre pensée. En fait elles évoluent continuellement; ce qui était vrai hier peut être faux aujourd’hui.

     

     

    « La pensée naturelle » est fondée sur la mémoire des faits, des faits personnels pour résoudre les détails de la vie quotidienne, pour assumer nos travaux professionnels. Elle est fondée sur la mémoire de la collectivité pour réaliser certains grands projets, et sur la mémoire historique pour assurer la continuité de l’évolution scientifique, artistique, morale…

     

     

    D’autre part, « la pensée psychologique » est une dégradation de la « pensée naturelle» en phénomène d’identification de toutes sortes.

     

     

    J’emprunterai au livre de R. Linssen : « Bouddhisme, Taoïsme et Zen » une histoire imagée qui me paraît significative par sa clarté et sa quotidienneté.

     

     

    « Un ingénieur peut à l’aide de ses formules (mémoire technique) calculer la résistance d’un pont en béton armé. Mais s’il passe sur ce pont avec des amis, en se vantant de l’avoir calculé il abuse et dépasse le rôle de sa mémoire factuelle. En fait, il exploite sa mémoire factuelle pour se donner de l’importance. »

     

     

    Par cette attitude, sa mémoire factuelle se dégrade en « mémoire psychologique d’identification ».

     

     

    Notons que la « mémoire psychologique » n’est pas seulement le résultat de l’identification de l’individu avec sa « mémoire des faits ». Elle résulte aussi d’une autre forme d’identification que nous allons envisager sommairement.

     

     

    Formulons l’évidence. L’événement est identifié avec la traduction intellectuelle du phénomène affectif qu’il engendre. Il y a d’autres formes d’identifications, mais nous insisterons plus particulièrement sur celle-ci parce que, plus que les autres, elle a une influence significative sur notre comportement.

     

     

    Que se passe-t-il exactement ?

     

     

    La « pensée naturelle » constate la réaction affective face à l’événement; elle traduit intellectuellement une sensation intérieure, alors la « pensée psychologique » entre en action en identifiant un phénomène affectif constaté intellectuellement, avec l’événement lui-même.

     

     

    Un exemple précis rendra plus évident encore cette forme particulière d’identification.

    Par la « pensée naturelle », fondée sur la mémoire des faits, nous sommes doublement conscients, à la fois de l’existence du monde extérieur et de notre monde intérieur. Prenons par exemple la mort. Nous constatons que nous sommes conscients, d’une part de l’existence évidente de la mort, et, d’autre part, de l’angoisse affective qu’elle provoque quand nous sentons sa présence réelle ou imaginaire.

     

     

    Dans un deuxième temps, la « pensée psychologique » entre en action, elle identifie la conscience de l’angoisse devant la mort avec la mort elle-même. En fait, nous confondons la chose, par le phénomène d’identification, avec la réaction affective qu’elle engendre quand nous sommes affectés par sa présence.

     

     

    Faute de penser simplement et justement, la mort nous angoisse par la « pensée psychologique » d’identification. Nous pensons que la mort est un événement absolument négatif, mauvais en soi.

     

     

    La pensée est comparable à un outil de travail. Il est le meilleur que nous ayons à notre disposition à condition qu’il soit utilisé dans les limites de ses possibilités fonctionnelles. Dès que l’on utilise cet outil à des fins qui ne lui sont pas destinées, il perd toute sa valeur constructive et évolutive.

     

     

    En général, la pensée sort de ses foncions naturelles quand elle oublie de se faire précéder par la conscience de la relativité de toute connaissance en fonction de nos multiples conditionnements.

     

     

    Pour reprendre l’exemple de la mort, nous remarquons de fait qu’elle nous dérange qu’elle nous angoisse. Par automatisme mental, par manque de discernement intellectuel, nous assimilons la mort elle-même avec la « définition affective » que nous en avons. Le docteur Benoit parle d’une partialité affective irrationnelle qui se transmue en partialité intellectuelle. La première citée est naturelle, nous ne pouvons rien pour ni contre. Elle est parfaitement irrationnelle. Par contre, la partialité intellectuelle est conditionnée par une mauvaise utilisation de notre outil intellectuel.

     

     

    Quand un événement s’introduit dans notre existence, un de ces événements, que les fonctions naturelles de notre pensée ne peuvent solutionner, malgré tout, nous intercalons entre lui et nous (nous, c’est-à-dire nos qualités intellectuelles et affectives naturelles) des mots, des pensées, des images qui dénaturent l’événement de sa signification réelle.

     

     

    Il est donc évident que l’essence des êtres et des choses est intouchable avec les mots, les idées et les images mentales que nous employons habituellement. La connaissance du grand mystère dans l’hypothèse de sa réalisation possible, ne peut être liée à une accumulation de savoirs. La seule ouverture possible, qui nous fera progresser, est le détachement graduel par rapport à nos fausses identifications.

     

    Source

     

    « Pas d'évolution sans révolution9 signes que vous êtes plus éveillé que vous ne le pensez »

  • Commentaires

    6
    danielleg
    Mercredi 13 Novembre 2013 à 13:47
    danielleg

    C'est comique 'la petite voix' aujourd'hui parle d'Amitié aussi!

    Bisous!

    5
    Mercredi 27 Juillet 2011 à 11:40
    Yog' La Vie

    Ah, ben je l'ai mis sous l'article

    Bizzz

    4
    Mercredi 27 Juillet 2011 à 11:39
    Yog' La Vie

    A tête reposée, il est très intéressant cet article!

    Merci pour la pub...Je ne suis plus abonnée, pour l'instant à quelque revue que ce soit, puisque je ne les lis pas en entier par manque de temps. En attendant, sur le site, il y a déjà pas mal à découvrir.

    Bises!

    3
    Mercredi 27 Juillet 2011 à 11:33
    Yog' La Vie

    Et souvent, nous nous embrouillons avec les autres dans ces "quelque chose qui n'est pas", car chacun se défend de ces "quelque chose qui n'est pas"

    2
    Mercredi 27 Juillet 2011 à 08:25
    Tout est bien

    Le cerveau est un peu au ralenti, aussi ce n'est pas un commentaire sur le texte que je souhaite faire mais une publicité sur sa source.

    Le texte est extrait d'une revue 3ème millénaire à laquelle je viens récemment de m'abonner (je l'ai découverte il y a peu par un lien sur le blog Eveil impersonnel) , je me suis également commandé sur leur site d'anciens numéros sur des thèmes particuliers qui m'intéressent. C'est revue est un bel objet (belle couverture, papier glacé, esthétique de bout en bout) et pleins d'articles, d'auteurs que nous aimons lire par ailleurs.

    Actuellement il y a même des soldes () sur d'anciens numéros qui permettent pour le moins de découvrir la revue à peu de frais. Bon j'arrête là ma publicité...

    Bonne journée !

     

    1
    Mercredi 27 Juillet 2011 à 05:43
    Miche

    Merci pour ce texte sur l'illusion. Nous pouvons remarquer qu'il est impossible de sortir de quelque chose qui n'est pas, juste Voir...

    o)))

     

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