• Le Corps subtil

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    La pratique de l'exploration du corps subtil amène progressivement un déconditionnement des cerveaux. Lors de ces ouvertures, les notions de temps et d'espace sont remises en question. Les lieux de la géographie sacrée se présentent alors clairement. Bénarès la souterraine et Bheragat, domaine secret de la déesse, peuvent se révéler. L'iconographie indienne est la concrétisation de ces mondes subtils. Ce n'est pas seulement la représentation de principes métaphysiques, comme cela est souvent entendu par les mondes intellectuels.

    […]

    L'état de rêve, quand il n'est plus utilisé comme poubelle de l'état de veille, devient un révélateur de notre sensibilité au monde subtil. A ce moment-là, il quitte sa formulation d'histoires, d'aventures, pour évoluer vers un monde de formes, de couleurs, de sons dont l'expérience n'engendre plus de conceptualisation. Les rêves deviennent de moins en moins racontables, de plus en plus intenses. On peut dire la même chose de l'état de veille : on ne peut plus penser sa vie ; toutes les constructions de la peur, de la société mondaine, de l'imaginaire humain se fondent dans un non-savoir sans attente. Le cerveau apaisé, silencieux, devient le témoin d'expériences inconceptualisables, où les notions de passé et de futur, de proximité ou de distance, de relation ou de séparation, d'intimité ou d'indifférence perdent leur sens. Ces notions se révèlent alors comme des images creuses de la réalité, artifices poétiques, conventions qui ont leur place dans la description superficielle des modalités sécuritaires et traumatisantes de la vie, mais non comme actualisation d'expériences unitives.

    Inlassablement exprimées dans les manuels de yoga, la plupart des descriptions géographiques du corps subtil ne font que répéter la formulation du Shatchakranirûpana telle que traduite par Arthur Avalon au début du siècle. Comme la Shiva-Samhitâ, ce texte dépend largement, pour sa formulation, du Kubjikâmata-tantra de la tradition Kaula, qui date du Xe siècle. Enseigné comme une réalité à apprendre par cœur pour les examens de fédérations de yoga, le sens traditionnel de cette imagerie est le plus souvent incompris. Quand on indique une couleur correspondant à un centre subtil, ce n'est pas une couleur que peut imaginer notre mémoire, mais qui se réfère plutôt à un ressenti : un homme noir n'implique pas une appartenance à la race africaine, un homme léger n'implique pas une absence de poids, un homme amer n'implique pas une saveur de la peau. Ainsi, les couleurs, les odeurs, les formes attribuées aux différents récepteurs du corps subtil ne sont pas à prendre à la lettre.

    Si, par exemple, lors d'une séance, le centre de pureté est particulièrement stimulé, il se peut que la vision de l'espace prenne, pendant un certain temps, de nombreuses teintes de bleu. La descente de l'énergie dans ce centre révèle également la capacité d'une audition multidimensionnelle. Les textes plus anciens, comme les Goraksha-shataka, Yoga-Yâjñavalkyam, voire les Upanishads, s'expriment chacun de manière légèrement différente. Les centres et réseaux du corps subtil s'imposent dans une conscience non impliquée. Toute tentative de ressentir les organes subtils, d'intervenir dans le corps éthérique, ne ferait que stimuler un imaginaire déjà trop fécond. Il n'y a pas à éveiller l'énergie par des moyens volontaires. Quand la sensibilité est laissée libre d'appropriations, de refus, les masses musculaires s'effondrant dans une vacuité profonde, les différents canaux d'énergie et autres images tactiles se présentent spontanément. Plus ce corps tactile va s'éveiller dans la pratique, plus des transpositions impensables vont s'exprimer dans la vie de tous les jours. La sensibilisation à ces modalités fera apparaître de nombreux points vitaux présents dans le corps, auxquels se réfère la pratique de la médecine ayurvédique et des arts martiaux indiens. Souvent mentionnés, les centres principaux sont liés à de nombreux autres récepteurs également importants. Tout cela ne doit pas devenir un sujet d'étude livresque. Une pratique sans attente, les mains vides, sans chercher à sentir quoi que se soit, disponible à tous les sentis possibles sans refus ni peur, est l'espace nécessaire à ces révélations.

    Cette exploration permettra également de découvrir la présence de trois nœuds essentiels, granthi. Au bas de la colonne, lié à la cosmicité du monde : vishnugranthi ; dans le cœur, mort de toutes nos peines : hridayagranthi ; entre les sourcils où la connaissance claire, bauddhavijñâna, se reflète : rudragranthi. Ces trois étapes franchies, par aspiration ou dissolution, correspondent à l'intériorité de la sâdhanâ.

    Les trois lingam, svayambhû, bâna et turîya, qui habitent ces portes, se révèlent comme ouverture privilégiée de la conscience. L'équilibrage naturel de la circulation des énergies amènera tôt ou tard à ressentir le corps comme un gigantesque écho de l'univers. La géographie et l'histoire se transposeront dans chaque région du corps. Toutes les relations profondes qui s'imposent dans notre vie seront ressenties dans des points précis de notre corps. La souffrance ou la joie des lieux et des êtres qui forment notre famille cosmique seront expérimentées dans des zones très délimitées de la corporalité. La pratique des âsanas par le corps subtil, ainsi que son déplacement conscient, libre de l'enveloppe physique, participeront à l'extinction de notre vie affective et à la révélation de ce corps géographique généralement étouffé par la tension musculaire. Toute terre étrangère est ma patrie, quand ma patrie devient terre étrangère. Tel est l'accomplissement de la délocalisation corporelle.

    Entre les états de veille, de sommeil et de rêve, se trouvent des espaces de vie beaucoup plus intenses que ce qu'on appelle communément la vie. Dans ces résonances, les formes subtiles et puissantes, si bien exprimées par l'iconographie hindoue, prennent en charge la vie et transmettent l'enseignement.

    Le corps vacant va parfois être visité par cette immense et jaillissante verticalité, qui semble n'avoir ni commencement ni fin. Ce lingam d'énergie ressenti comme une érection à l'intérieur de la colonne, comme une langue de feu débordante et simultanément plus ténue qu'un fil de soie, est le sens profond du yoga traditionnel.

    Ce n'est pas à accomplir, à éveiller ou à créer. Découverte de l'évidence, reconnaissance de cette énergie toujours neuve consumant passé et futur dans un brasier constant, cette expérience, symbolisée par le shiva lingam de la tradition shivaïste, est le cœur de la vie. Pandit Veeraraghavachar se référait plutôt à la caverne du cœur où un feu rugissant entourait un lingam d'espace et brûlait tout encombrement. Jean Klein transmettait la ligne d'écho de la verticalité organique. Ce mouvement ascendant et secret, lingam-rahasya, est l'écho direct du secret de la vie. Il est le reflet dans l'espace-temps du sans-forme, arûpa.

    […]

    Eric Baret  

    Yoga. Corps de vibration, corps de silence

    Visiblement ce livre est épuisé....si quelqu'un veut me le vendre....

     

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  • Commentaires

    3
    danielleg
    Mardi 12 Juillet 2016 à 07:49

    en ce moment, je lit l'enseignement de nissagardata  ' JE SUIS ' très réceptive a ce livre, il me fait penser a l'enseignement de Ma Ananda Moyi que j'Adore ;)

    mettre en pratique ' observer ce que vous n'êtes pas et vous vous en libérez ' et il y en a des choses que nous ne sommes pas ! :)))

    Bisous ma Chère :)

    2
    kalou
    Mercredi 13 Novembre 2013 à 13:47
    kalou
    Ce livre a été augmenté et remanié sous le titre "corps de silence". Mais il ne présente que la partie "théorie". Eric prévoit une partie pratique aussi plus développée. L'ancien ouvrage comprenait les deux parties.
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    1
    Mercredi 9 Janvier 2013 à 11:57
    Yog' La Vie

    Merci! Je vais donc voir cela.

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