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Le pensionnat
Ces enfants qui ont souffert
Quand leur maman venait les voir
Par une après-midi très claire
Sur les fauteuils du parloir
Qui auraient préféré peut être
Pour ne pas avoir mal au cœur
Qu'elle ne vienne pas à cette heure
Troubler leur pauvre solitude
Ils se retrouvaient seuls le soir
Dans leur lit, dans le grand dortoir
Et pensaient à elle en pleurant
Où es-tu donc, oh ma maman
Et ils sucaient des sucres d'orge
En caressant de leur dix doigts
Les bonbons et les chocolats
Qu'elle apportait dans sa panière
Ils sont des hommes maintenant
Mais garde au fond de leurs yeux si grands
On ne sait quoi comme tristesse
Un chagrin qui toujours reste
Leur maman s'en est allée
Si peu de temps pour vous aimer
En nous tellement de regrets
Mon cœur est une pierre usée
Et ces années de pensionnat
Défilent par rang de trois
Sur les chemins de leur mémoire
Les timides, on leur en fait voir
Ils sont toujours écorchés vifs
Leur vie où la tendresse niche
Et bousculés par la détresse
Humilié, faut que tu te redresses
Les caporaux leur bottent les fesses
Les pions ont juste changer de veste
Dans la chambrée c'est tout pareil
L'enfer sur la terre c'est réel
Si le dos est un peu vouté
Il a appris à encaisser
Je t'en supplie dis-moi deux mots
Souris-moi pour que je vive
Fasse le ciel qu'une dame
Au cœur tendre et diaphane
Vienne un soir dans ton dortoir
Pour t'aimer sans plus surseoir
Qu'elle t'apporte mieux que le Pérou
De la tendresse par dessus tout
Qu'elle soit un peu ta maman
Et ton ciel et ton firmament
Julos Beaucarne
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Commentaires
Je ne connaissais pas cette chanson très émouvante de Julos. Merci d'avoir mis les paroles. Bon dimanche à toi.
Yog', je te confie ce texte sur l'enfermement :
Alvaro Escobar Molina, 1989, L’enfermement. Espace, Temps, Clôture, Paris, Klincksieck, 370 p.
Alvaro Escobar Molina, psychothérapeute, aborde les aspects psychologiques de l’enfermement à travers six entretiens avec des moines et des prisonniers. D’abord difficile, L’enfermement. Espace, Temps, Clôture est souvent déroutant pour un géographe tant les méthodes et les concepts employés sont éloignés des approches des sciences humaines. Par exemple, la recherche n’étant pas contextualisée, le lecteur ne sait quasiment rien des conditions de son déroulement et ni ne connaît les données sociologiques essentielles des individus interrogés. Le point d’entrée de la recherche n’est pas l’espace de la prison ou du monastère mais les espaces intérieurs « de l’illusion ou de la désillusion » : l’auteur insiste sur le temps et la mémoire dans des espaces de répétition et de routine où « la parole est défiée par le temps ». Il affirme d’emblée une correspondance de destin entre les moines et les prisonniers, « deux populations caractérisées par la vocation ou l’adhésion à un idéal fortement investi, l’une ayant choisi volontairement l’enfermement, l’autre ayant accepté et encouru le risque ». Dans le « travail de l’idéal aux prises avec l’enfermement », il distingue trois phases chronologiques, à travers lesquelles passent les enfermés : l’initiation, la négociation et le dépassement.
La phase d’initiation est celle d’une confrontation directe et brutale de l’idéal avec un monde clos où la discipline prime sur l’idéal et où le but de l’institution ne rejoint pas forcément celui de l’interné. C’est le temps pendant lequel les institutions « annulent le dehors grâce au système de la clôture, afin de travailler le dedans, les enfermés ». Le « deuil de la perte du dehors » se fait progressivement jusqu’à ce que le dehors devienne un univers étrange. Pour le moine et le prisonnier, le monde devient « parallèle ».
La phase de négociation correspond à l’entrée dans le temps de la durée qui se prolonge, qui « fait basculer les choses et le vécu dans le rêve ». Les internés réalisent l’emprise de l’institution et de son espace et tentent d’y résister par l’imaginaire et par l’appropriation de leur espace de vie. C’est dans l’enfermement que les internés découvrent « les pouvoirs inouïs de l’espace. Comme s’il fallait être cloué, figé dans l’espace d’enfermement pour saisir la mobilité qu’offrait l’espace ». C’est dans cette deuxième phase que l’enfermé ayant joué le jeu de l’institution « se confond avec elle et en reproduit le rêve, le répète et confond les avatars de sa vie avec ceux de l’institution, sans vivre réellement des tâches humaines plus personnalisantes ».
La phase de dépassement ou de mort correspond à l’expérience du vide social, c’est-à-dire l’organisation sociale de la méconnaissance et de l’invisibilité de l’interné par la société entière. L’enfermé souffre de la « rupture des transmissions sociales » et continue néanmoins à chercher l’idéal. « L’espace et le temps confondu en oubli de la clôture deviennent un lieu de deuil et de nostalgie » ; l’interné se réfugie dans les sensations du corps, « lieu d’une lente mise à distance », mais « piégé du dehors et du dedans, il expérimente la vraie prison, d’où personne ne peut faire sortir personne ».
J'ai mon fils en prison et ce texte me semble tellement coller à notre réalité, à tous deux ...
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Choisie ou pas, l'enfermement se vit finalement avec les mêmes étapes. Je pense que si on expérimente la vraie prison, on peut aussi expérimenter la vraie liberté à l'intérieur de soi.
Ici....Yoga et prison
A bientôt!