• J’ai dû me battre pour accepter la possibilité d’être heureux malgré les circonstances. J’ai mis longtemps à accepter l’idée que le bonheur ne soit pas insupportable, en particulier quand ma petite fille est née. Mais je suis en train de me libérer de l’idée du bonheur, pour aller vers la joie. La modernité véhicule une idée du bonheur qu’on identifie platement à l’hédonisme ou au bien-être… C’est une définition très pauvre, négative et assez fade, qui résume le bonheur à l’absence de tristesse, à la négation de tout ce qui contrarie le plaisir.

    La grande, l’infinie différence entre le bonheur et la joie tient en ce que la joie intègre les malheurs, les peines, les difficultés que le «bonheur» exclut. Être joyeux, c’est assumer la tristesse. Être heureux, c’est la récuser, croire qu’on peut (et qu’on doit) vivre sans elle. Le bonheur est belliqueux, la joie fait la paix.

    Alexandre Jollien


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    M'accueillir moi-même est assez ardu. Compte tenu de la pression qui pèse sur mes épaules, pression due à des modèles de perfection, c'est finalement moi-même que j'ai le plus de mal à accueillir.

     

    M'accueillir sans tricher, sans me mentir. Être au plus près de ma vérité intérieure: Oui, je suis  parfois mesquine, oui il m'arrive d'être jalouse, oui parfois je suis grincheuse, ou inutilement sarcastique... Je l'admets et je passe à autre chose. Ce n'est pas grave d'avoir des accès de lâcheté, d'être même un brin capricieuse ou de ne pas aimer quelqu'un. Ce n'est pas tragique, c'est seulement humain. Cela deviendrait plus ennuyeux si ces défauts dirigeaient totalement mes attitudes, mes actions... Mais déjà, en être consciente et l'accepter est un grand pas et un sacré soulagement!

     

    Je m'accueille aussi avec authenticité lorsque je suis triste. Je ne me laisse pas mener par la dictature du bonheur. J'ai parfaitement le droit d'être triste, même sans raison. Chaque chagrin est à prendre en compte. Si mon âme pleure, c'est que j'ai un obstacle à contourner. J'accepte de ne pas être au mieux et je me mets à investiguer. Je retrousse mes manches et j'aborde bravement et avec bienveillance ce qui doit changer dans ma vie.

     

     

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    Le bien-être ou le bonheur en prêt-à-porter n’existe pas ! Il est quand même possible d’arrêter de se plaindre, de sortir de la victimisation pour pouvoir avancer vers le meilleur de soi et oser vivre sa vie à temps plein. C’est à la fois une conquête à construire au quotidien et une création à découvrir à chaque instant.

     Il y a aujourd’hui une culture de la victimisation et la tentation de la plainte avec comme corollaire un assistanat qui entretient des dépendances aliénantes et contraignantes.

    Ce n’est pas tant l’accélération du temps qui est en cause, c’est la somme des sollicitations dont nous sommes l’objet, qui nous décentre, nous éparpille et fait que nous nous perdons trop souvent dans le futile en oubliant l’essentiel. Transformés en hyper consommateurs, notre environnement valorise nos désirs au détriment de nos besoins. Et paradoxalement cela entretient nos frustrations, nos insatisfactions et nos déceptions.

     Je vais énoncer un paradoxe : Accepter d’être heureux, c’est renoncer à être malheureux ! Oui la plainte est un obstacle, mais l’obstacle le plus subtil est dans notre difficulté à changer de regard. A accepter que dans tout événement, aussi pénible ou dramatique soit-il , il y a un message de vie qu’il nous appartient d’accueillir.

     Ce qui peut nous aider c’est de pouvoir nous appuyer sur quelques règles d’hygiène relationnelle comme :

    * apprendre à dire non (quand ce qui vient de l’autre n’est pas bon pour nous)

    * apprendre à se respecter en ne se laissant plus définir par les désirs ou les peurs de l’autre

    * être à l’écoute de ses besoins relationnels vitaux : besoin de se dire, d’être entendu, d’être reconnu, d’être valorisé, besoin d’intimité, de créer et de rêver.

     Voici quelques ancrages qu’il est possible de mettre en pratique dans son quotidien.

     Au lieu de se poser en victime et de reprocher aux autres son mal-être, la clé du bien-être pourrait être dans la valorisation des petits détails ! Et en particulier dans l’accueil des petits signes que la vie nous envoie et qui sont autant de miracles. Ils sont nombreux, il suffit de regarder et d’entendre ce qui se passe dans un périmètre de 25 m ! Et surtout se rappeler que ce qui « fatigue » ou nous désespère le plus, ce n’est pas tout ce qu’on a fait, mais tout ce qu’on n’a pas fait en le reportant à demain ! Il suffit aussi parfois d’arrêter de dérouler la bobine principale de notre film intime préféré : celui de l’auto accusation ou de la dépréciation de soi-même ! De repérer au plus vite notre auto-saboteur en chef, celui qui va faire que l’on commence par l’accusation, le reproche (de soi ou de l’autre). Une façon de débusquer c’est auto saboteur sera de comprendre que derrière toute accusation..il y a une demande. Alors osons des demandes directes !

     Prendre le risque de dire non en ne confondant pas la personne et sa demande : « Ce n’est pas à toi que je dis non, mais à la demande que tu viens de me faire ! ». Découvrir que nous n’avons jamais eu de mode d’emploi, pour mieux communiquer avec autrui ! Que personne ne nous a appris à communiquer. Imaginons la circulation automobile où chacun conduirait en fonction de ses propres règles, désirs ou aspirations du moment ! Et bien c’est comme cela que nous communiquons et surtout incommuniquons! Il existe des règles d’hygiène relationnelles accessibles à chacun et transmissibles (voir Heureux qui communique. Pocket). Alors je peux décider d’apprendre une règle d’hygiène relationnelle par semaine ou par mois !

     On utilise beaucoup d’énergie à accuser les autres de nos propres défaillances car c’est apparemment plus économique énergétiquement parlant, de mettre l’autre en cause et surtout cela sauvegarde la belle image de soi dont nous avons besoin pour survivre. Pour survivre mais non pour vivre, car si nous acceptions d’entendre ce qui est touché chez nous par un reproche, une accusation ou une mise en cause, nous apprendrions beaucoup sur nous même !

     Et si au lieu de jouer les victimes on apprenait à mieux se définir ? Non seulement apprendre à dire non, mais aussi à échanger avec son partenaire, ses enfants ou son entourage professionnel sur la nature de nos devoirs mutuels et des tâches qui nous incombent au quotidien ! Une de clés pour apprendre à vivre le moment présent, sera de ne pas se laisser enfermer dans la rumination ou la nostalgie du passé ou dans l’anticipation persécutoire de l’avenir. Vivre le présent est possible quand on accepte de se donner un temps à soi, rien qu’à soi.

     

    Jacques Salomé

     

    Pris ici


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    La conscience

     

    A l’origine de chacun d’entre nous, il y a la conscience. Sans elle, il est évident que rien ne pourrait apparaître. Certains croient en Dieu, d’autres non….mais personne ne peut nier sa propre conscience. Bien sûr, la conscience n’est pas un objet. Elle est le Sujet. Elle est ce que de nombreux maîtres spirituels appellent le « Soi », pur sentiment de présence qui demeure même en l’absence de pensées, et qu’il ne faut donc pas confondre avec le »je-ego » créé par le mental. Ainsi, la conscience n’est pas le mental. Et le mental ne peut appréhender la conscience. C’est pourquoi certaines traditions spirituelles, comme le Taoïsme ou le Zen, préfèrent parler de Vide plutôt que de conscience, de ce « Vide central », par exemple, « sans lequel la roue ne pourrait tourner », comme le dit Lao Tseu. L’Hindouisme et le Bouddhisme, pour leur part, parlent de Sunia, concept métaphysique à l’origine du zéro mathématique. Mais d’autres traditions,  sans doute dans le but d’offrir tout de même au mental un petit os à ronger, préfèrent employer l’image d’un grain de poussière, d’un atome ou d’un simple point géométrique, pour ce principe spirituel fondamental.

     

    Comme tous les points géométriques, ce point symbole du Soi, de notre identité réelle n’a pas de dimension. Le cercle de la personnalité, au contraire, est dimensionné. Il occupe une place spécifique dans le monde. Bref, il est personnel. Alors que le point de Conscience reste impersonnel.

     

    Tant qu’elle demeure à l’intérieur d’elle-même, notre identité n’est donc qu’un point impersonnel et sans dimension. En revanche, lorsqu’elle sort d’elle-même pour habiter un conditionnement personnel, elle crée un espace et invente des séparations à l’infini, entre moi et non-moi, sujet personnel et objet, bien et mal, etc…..

     

    L’ego

     

    Le cercle de l’ego est alors précisément chargé de marquer la frontière entre toutes ces séparations, et bien sûr avant tout entre moi et non-moi. C’est une forteresse ne laissant pénétrer que le semblable et interdisant tout accès à ce qui semble trop différent.

     

    Au cours de l’évolution de son histoire, l’homme a renforcé ce cercle en commençant par se construire des huttes ou des cases circulaires, puis en bâtissant des cités dont le centre était évidemment toujours le centre du monde, et au-delà des murs desquels s’étendait un vaste chaos peuplé de barbares par définition non civilisés, quand ce n’était pas franchement non humains.

     

    L’ego est à cette image : une édification hermétique de concepts, de valeurs, de références, d’expériences, de souvenirs, délimitant une frontière entre intérieur (sujet/moi) et extérieur (objet/non moi), filtrant l’information en provenance de l’extérieur afin de n’accepter que le seul conforme, et projetant ses propres formes conceptuelles à l’extérieur, de telle sorte que le monde ne soit expérimenté qu’à travers l’image que l’on s’en fait.

     

    On ne peut imaginer structure plus fermée sur elle-même, cultivant ses propres représentations du réel, et répétant sempiternellement les mêmes types d’expériences enregistrées depuis l’enfance. Et lorsqu’un Maître spirituel annonce qu’il faut aimer son prochain comme soi-même, c’est naturellement à la mort de l’ego qu’il invite ses disciples, car, même en cultivant des trésors de gentillesse ou d’hypocrisie, le moi reste structurellement incapable d’aimer autre chose que l’image qu’il a des autres, ou la projection de lui-même sur les autres…..c’est à dire exclusivement lui-même !

     

    Le cercle des expériences disparues

     

    Ce que chacun appelle « moi » n’est qu’un amalgame des souvenirs d’expériences passées, tout à fait semblable à un enregistrement sur une bande magnétique, mais auquel la puissance infinie du point central de la Conscience donne une apparence de vie.

     

    L’ego, comme on le comprend, n’est que rêve, et bien souvent cauchemar, mensonge, corruption, maladie….Mais reste à savoir si, en dehors de son horreur intrinsèque, il présente un intérêt au point de vue de la Conscience ?

     

    Bien sûr, l’ego n’est qu’un ensemble de conditionnements organisés en cercle vicieux, qu’un magma d’ombres du passé incarcérées dans la répétivité, qu’une illusion qui, par pure terreur de ce non-moi absolu qu’est la Réalité, finit par se considérer comme la chose la plus importante au monde, devenant ainsi un véritable malfaiteur, un tueur de tout ce qui s’oppose à lui. Bien sûr, même animé des meilleures intentions - celles dont l’enfer est parait-il pavé de mauvaises intentions - l’ego ne peut faire que de mauvais coups. Au mieux, ignorant tout ce qui n’est pas lui - c'est-à-dire énormément de choses ! - il commet erreur sur erreur. Au pire, luttant désespérément pour se maintenir, acquérir et gonfler, il détruit tout sur son passage.

     

    Pourtant, cet ego menteur, voleur, violeur, dévastateur et assassin, cet ego responsable de tout le malheur du monde, depuis les conflits familiaux jusqu’aux guerres, en passant par l’exploitation de l’homme et la destruction de la planète, pourtant cet ego est le meilleur moyen qu’ait trouvé la Conscience pour retourner à Elle-même.

     

    La cible du Soi

     

    Si l’on reprend l’image du cercle entourant le point central, on ne peut manquer de faire le rapprochement avec une cible ; une cible dont le cercle excentrique serait l’ego, et le cœur serait la Conscience. Voilà donc à quoi pourrait bien servir l’ego : à cibler la conscience !

     

    Ce n’est donc pas une erreur de la part de la Conscience que de laisser se mettre en place un système aussi isolant que l’ego. Tout comme pour nettoyer une façade d’immeuble de la crasse recouvrant la pierre on monte un échafaudage qui, pourtant, cachera et enlaidira plus encore l’édifice, de la même manière il est paradoxalement utile de circonscrire le travail de découverte de l’Absolu à l’intérieur d’une enceinte de relativité. A condition, bien sûr, de rester conscient de la nature provisoire d’un tel échafaudage, et de ne jamais le prendre pour l’édifice lui-même, sa construction relève d’une nécessité dépassant largement le désagrément

     

     Qu’il ne manquera de causer. Mais, tout comme dans le cas du cocon protégeant le processus de transmutation de la larve en insecte parfait, ce n’est évidemment qu’au jour de l’ouverture de l’enveloppe, du démontage de l’échafaudage, à la dissolution de l’ego, que se révèle définitivement la beauté.

     

    La dissolution de l’ego

     

    Tous les enseignements spirituels sérieux prêchent la mort de l’ego. La crucifixion de Jésus, par exemple, est un symbole lumineux de la nécessité de mourir à soi-même. Les cathares parlaient de l’Endoura, l’auto sacrifice, que beaucoup d’historiens ont d’ailleurs stupidement interprété comme une incitation au suicide. La voix du silence explique clairement que « le mental est le grand destructeur et qu’il faut détruire le destructeur ». Le terme bouddhiste Nirvana ne signifie rien d’autre qu’extinction. Toutes ces morts, ces destructions, ces extinctions, ne visent évidemment que l’ego. L’ego doit donc se dissoudre. Mais comment ?

     

    Deux écoles existent, dans pratiquement toutes les traditions, l’une étant dite « progressive » et l’autre « abrupte ». La Voie progressive enseigne que, pour que le cercle de l’ego puisse diminuer sans se briser, il faut le rendre de plus en plus souple, ou de plus en plus transparent. Cela revient à dire qu’il est nécessaire de se livrer à une sorte de psychothérapie spirituelle visant à résoudre les blocages névrotiques et les scléroses émotionnelles qui, il faut bien l’admettre, s’accordent mal avec la souplesse requise dans le processus de resserrement du cercle de l’ego. Quant à la Voie abrupte, ou immédiate, elle consiste plutôt à tourner le regard le plus directement possible vers le centre de la cible, laissant au pouvoir d’auto guérison- en l’occurrence décuplé par ce face à face avec la Conscience – le soin d’assurer les ajustements progressifs des cercles concentriques.

     

    De toute manière, l’unique salut ne consiste-t-il pas à se tourner vers ce qui seul peut être détruit : le soi au centre de la cible, la Conscience au centre de Tout ?

     

     

    Dominique Karme( Médecine Douce /juillet–août 2000)

     


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    "Changez votre pensée et vous changerez votre destinée".

    Il n'y a ni bien ni mal, ni vrai ni faux, ni mieux ni pire. Il n'y a que le progrès, l'apprentissage et l'épanouissement de la conscience. Il n'y a pas de problèmes, il n'y a que des défis. Il n'y a ni erreurs, ni fautes, ni échecs, il n'y a que des leçons apprises sur le chemin du devenir. Plus nous voyons de situations, plus nous mûrissons et plus nous reprenons confiance. Et plus nous serons confiants, plus nous serons heureux.

     

     Texte de Claude Van Gallebaert   

     Pris chez Pam


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  • La parole est énergie

     

    Qui ne connaît pas ce lumineux proverbe qui, lorsqu’il est bien compris, confère une plus grande sagesse :

     

    "La parole est d’argent, mais le silence et d’or"

     

    Il paraphrase parfaitement un proverbe arabe qui dit : "Si ce que tu as à dire est moins beau que le silence, alors, tais-toi!" Certains opinent que notre bon vieux proverbe français signifie que la valeur du silence est supérieure à celle du discours alors qu’il rappelle simplement que, parfois, il vaut mieux se taire que de parler. Car, pour tout, il y a un temps : comme il y a un temps pour se taire, il y a un temps pour parler. L’être humain, qui est la seule créature terrestre à détenir cette faculté ne doit pas l’avoir reçue pour rien, en attendant de devenir un parfait télépathe. Sauf qu’il doit se demander si ce qu’il a à dire convient et peut construire davantage que détruire.

    N’empêche que le silence prévaut sur la parole quand il évite de dire des conneries; d’émettre de vaines hypothèses ou de stériles croyances; de simplement commérer, de répéter des racontars ou de propager des rumeurs; de colporter des préjugés; de parler pour ne rien dire; de palabrer pour le plaisir de se montrer docte, intelligent ou intéressant; de raconter des mensonges; de juger, de médire ou de calomnier; de blesser inutilement autrui; d’envenimer une situation; de proférer des jurons; bref, de propager vainement des vibrations négatives.

    Surtout, si une personne parlait moins, quand parler n’est pas nécessaire ou n’apporte rien, elle retiendrait une bonne part de son énergie, maintiendrait son taux de vitalité à un niveau supérieur, de sorte qu’elle se coucherait moins fatiguée, jour après jour. Trop de gens oublient que les activités comme penser, parler, s’émouvoir, comme tout agir, consomment de l’énergie, qui n’a qu’une source et à laquelle un grand nombre ne savent pas se ressourcer. C’est largement ce qui amène un être à se dévitaliser et à s’étioler prématurément. Car, si un être dépense de l’énergie, qui ne se renouvelle pas spontanément à niveau égal, il engendre et augmente progressivement un déficit qui l’amène à incliner vers la fatigue, les malaises, la maladie et, ultimement, la mort.

    En lisant ce propos, celui qui ne connaît rien à la circulation et à la propagation de l’énergie pourra s’esclaffer, ce qui ne démontrera rien d’autre que sa propre ignorance, tout manque de connaissance étant à l’origine de l’incurie et de l’ineptie. La parole comble les aspects simples, routiniers, publics, mondains, populaires, futiles de la Lune, l’astre d’argent, des aspects qui vident, mais le silence confère la puissance pénétrante du Soleil, l’étoile d’or, puisqu’il permet de conserver et d’accumuler de l’énergie de manière à toujours procurer des réserves.

    Et c’est sans compter que le "verbe se fait chair" c’est-à-dire que la parole crée, participant largement à l’élaboration de son destin heureux ou malheureux. Pour ainsi dire, la parole amplifie la consommation d’énergie : elle ajoute à la pensée une dimension sonore qui la rend plus efficace. Ainsi, lorsqu’un être parle pour ne rien dire, pour proférer des banalités, pour meubler le temps, pour combler un vide intérieur, pour prévenir la gêne, il gaspille en vain ses précieuses énergies qui ne se renouvellent pas aussi facilement qu’il le croit. Le faire une fois peut se révéler anodin, voire sans conséquence, mais la répétition des mêmes mots et des mêmes clichés peut représenter une menace. Quant à l’usage répété de paroles vaines, il approfondit son propre néant. Car nul ne peut tirer de réalité utile de son propre néant, si ce mot identifie un vide complet plutôt qu’un vide plein.

    Puisque celui qui sème le vent récolte la tempête, la sanction de trop parler ou de parler pour parler ou pour s’entendre parler, c’est, outre la possibilité d’engendrer des remous tumultueux qu’on pourrait regretter, de miner sa précieuse réserve d’énergie, donc de s’exposer à stagner et à régresser, en plus de se couvrir de ridicule, de s’attirer la méfiance et le discrédit, parfois la vindicte, la pitié ou la dérision. Qui parle s’implique et s’impose un retour. Plus on parle, surtout si on ne réfléchit pas ou si on ne maîtrise pas son impulsivité ou son émotivité, plus on peut se tromper, plus on peut commettre des erreurs plus ou moins regrettables et plus on s’expose à regretter ses propos. Car, c’est bien connu, il y a des gens qui ne réfléchissent qu’après avoir parlé. On dirait qu’ils ont besoin d’entendre ce qu’ils disent pour valider ou infirmer leurs propos en ne les analysant qu’après les avoir émis.

    On a beau dire que, au niveau contingent, les paroles s’envolent, laissant moins de traces que les écrits, cela n’empêche jamais que, avant de s’épuiser et de se perdre dans l’oubli, par le jeu de cause à effet, elles peuvent faire bien des ravages, autant dans son univers personnel que dans celui d’autrui. N’empêche encore que, dans les registres akashiques, elles s’enregistrent de façon indélébile, pouvant servir ou desservir son maître au moment du grand jugement. Pour ceux qui se maintiennent dans la dualité, le poids karmique de leurs propos vains ou négatifs ne peut être compensé ou dissous que par une émission d’amour équivalente. Surtout qu’il n’est pas facile de récupérer ce que l’on émet sans retenue sur les ondes de l’air.

    À ce propos, on raconte que, autrefois, un sage curé avait reçu en confession une bonne commère de ses ouailles qui n’avait de cesse de répandre ses noirs et fielleux propos sur ses voisins. Avant de lui accorder l’absolution, pour la décourager de ses récidives, il lui imposa une étrange pénitence. Par un jour de grand vent, elle devrait tuer l’une de ses poules et la plumer sur la place publique du village avant de se représenter à lui pour connaître la suite de sa sanction. Ce qu’elle s’empressa de faire dès que les circonstances la favorisèrent, trop heureuse de se représenter à l’église pour connaître la suite des événements et d’éprouver un soulagement de conscience. Elle trouva le fidèle curé dans la sacristie qui lui dit : "Maintenant, va recueillir toutes les plumes du volatile que tu as occis et, lorsque tu auras trouvé la dernière, tu sauras que Dieu t’a pardonné". Voilà comment le bon prêtre voulait lui faire comprendre qu’il n’est pas facile de réparer les propos indus que l’on a proférés et qui peuvent causer un grand tort, quand, selon son intérêt, un interlocuteur se mêle de les propager de bouche à oreille.

    Celui qui passe son temps à parler ne se voit pas vivre et il s’empêcher de s’intérioriser, un acte qui est la clef de la véritable réalisation spirituelle. Ainsi, au lieu de profiter de son expérience en incarnation pour ouvrir sa conscience, il complique son sort au lieu de l’améliorer ou de le faciliter. En fait, il épaissit son ignorance. En plus de s’exposer à parler contre la raison et le cœur, il se coupe de l’intuition, qui ne parle bien que dans le recueillement silencieux, s’exposant à sombrer dans la confusion et à commencer à errer autour de lui-même dans un cercle vicieux. Il ne tarde pas à engendrer une dichotomie, entre son monologue intime et ses propos extérieurs, qui, selon son degré de fragilité, le dispose à la déraison, voire à la maladie mentale. Car, à trop parler, on finit par croire ce qu’on dit et par tenter de l’imposer à son entourage.

    Souvent, un tel être ne devient rien d’autre qu’un dédoublé qui, comme un moulin à paroles, répand ses propres fantasmes et appréhensions en généralisations et en propos stéréotypés. Ne parvenant plus à se ressourcer, il engendre en lui-même une monotonie qui le confine à l’ennui et au mal de vivre, par dédain ou mépris de lui-même, en plus de rebuter et d’écarter ses auditeurs habituels. Il partage ses aprioris, mélangeant avec la même assurance ouï-dire, hypothèses, croyances et certitudes, engendrant des imprécisions, des ambigüités et des quiproquos qui finissent par miner sa crédibilité. Car, en mélangeant les genres, il affaiblit la solidité et la véracité de son message, ouvrant la porte à des invraisemblances.

    Il est vrai qu’entre gens de même acabit, on peut se passer et se pardonner longtemps de tels écarts de langage puisqu’on en vient à parler uniquement pour parler, pour remplir les vides, pour créer un écho, alors qu’on s’écoute parler, mais qu’on n’écoute plus l’autre, ne s’intéressant plus à lui. On ne tient plus à sa présence que pour s’adjoindre un interlocuteur docile ou crédule. Or, dans une communication, celui qui n’écoute plus le retour de son interlocuteur s’en coupe progressivement, s’exposant à commettre, sur son compte, au niveau de l’appréciation, l’erreur des astronautes. C’est ainsi, par exemple, que deux partenaires se retrouvent face à un divorce sans rien avoir vu venir. Il ne manquait qu’un incident banal, agissant comme la goutte qui fait déborder un vase, pour faire d’un ami apparent, un ennemi juré.

    Il n’y a rien de plus odieux ni de plus risible qu’une personne qui ne parle que d’elle-même ou qui ne tient que des propos creux, s’exprimant avec l’audace de l’égotisme et de l’égoïsme, donc avec celle de l’individualisme et de l’indifférence. Philippe de Commines a dit :"Je me suis souvent repenti d’avoir parlé, mais jamais de m’être tu." Le confirme Rivarol qui a dit, pour sa part : "Le silence n’a jamais trahi personne." Quant à Montherlant, son expérience l’a amené à affirmer : "Tant de choses ne valent pas d’être dites. Et tant de gens ne valent pas que les autres choses leur soient dites. Cela fait beaucoup de silence."

    © 2010 Bertrand Duhaime (Douraganandâ)

     Note : Autorisation de reproduire ce document uniquement dans son intégralité --donc sans aucune suppression, modification, transformation ou annotation, à part la correction justifiée d’éventuelles fautes d’accord ou d’orthographe et de coquilles-- veillant à en donner l’auteur, Bertrand Duhaime (Douraganandâ), la source, www.lavoie-voixdessages.com, et d'y joindre la présente directive, en tête ou en pied de texte.


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    Le paysan fend le sol avec sa charrue, ensuite il sème, puis il attend les bras croisés. La récolte viendra des nuages. Si les pluies ne tombent pas, il ne se fera aucun reproche, il dira: j'ai travaillé comme les autres, la pluie n'est pas venue, ce n'est pas de ma faute.
    Mais s'il n'avait pas labouré, s'il n'avait pas semé, quel fruit pourrait-il attendre?


     Extrait de "Le Mahabharata"
    Peinture: Diego Rivera


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    Il y en a qui yamaniyamisent du matin au soir et il y en a qui se fichent des yama-niyama.

     

     

    Il y en a qui occupent une heure de yoga avec trois postures et il y en a qui enchaînent soixante postures à la demi-heure.

     

     

    Il y en a qui inspirent de bas en haut et il y en a qui inspirent de haut en bas.

      

    Il y en a qui se dopent au kapâlabhâti et il y en a qui, au bout de cinq respirations, prennent un air de héros fatigué.

      

    Il y en a qui méditent à l’aube, d’autres le soir, certains tournés vers l’est, certains tournés vers eux-mêmes, et d’autres qui ne méditent pas du tout, et d’autres qui croient méditer.

      

     Il y en a qui s’ennuient en méditant et il y en a qui ne savent pas qu’ils s’ennuient en méditant.

      

    Il y en a qui beuglent des mantras, d’autres qui bricolent dans le tantra, d’autres qui dessinent des yantras, et d’autres qui confondent mantras, tantra et yantras.

     

    Il y en a qui savent le sanskrit, d’autres qui font croire qu’ils savent le sanskrit et d’autres qui s’imaginent qu’en Inde tout le monde parle sanskrit.

     

    Il y en a qui sont allés en Inde, je veux dire dans un ashram en Inde, et d’autres qui ont peur d’aller en Inde, des fois que l’Inde ne ressemble pas à l’Inde.

     

    Il y a des gouroulogues, des gourouphones, des gourouphiles, des gouroulâtres, des gouroulacariâtres, des gouroumaniaques, des gourouphobes, des gouroupathes, des gouroucides, des gourouphages, et il y aurait même encore quelques gourous.

     

    Il y en a qui ont lu les Yoga-sûtra et qui regardent de haut ceux qui n’ont pas lu les Yoga-sûtra. Il y en a qui font semblant d’avoir lu les Yoga-sûtra, d’autres qui en ont lu un résumé. Et il y en a qui les confondent avec les Kâma-sûtra.

     

    Il y en a qui sont pour les écoles — écoles du nord, écoles du Sud, écoles du Nord-ouest, du Sud-sud-ouest, Cachemire du XIIe siècle, Bihar du XIVe, tantrisme sikh, jaïnisme de la Main gauche… — et d’autres qui sont contre les écoles (à bas les systèmes, vive la spontanéité !) et d’autres qui disent que toutes les écoles se valent, tout est dans tout n’est-ce pas, et ceux qui changent d’école tous les deux ans et ceux qui ne supportent pas qu’on change d’école.

     

    Il y en a qui ont six chakras, dont trois ouverts, et d’autres sept, quatorze ou soixante-quatre, et tous ouverts, ou bien alternativement, et puis qui peuvent ouvrir les chakras fermés des autres, ou bien fermer leurs chakras ouverts, attention pas de fausse manœuvre. Et puis il y a les malheureux qui n’ont jamais senti en eux le moindre chakra et n’osent pas l’avouer, sauf quand ils font un rebirth.

     

    Il y a ceux qui combinent yoga et rebirth, yoga et psychanalyse, yoga et karaté, yoga et poterie, yoga et chasse à courre.

     

    Il y a ceux qui ne cuisinent qu’au ghee, qui mastiquent cent huit fois leurs graines hypercomplètes ou bien qui les avalent le plus vite possible, bon débarras, il y en a qui jeûnent et qui le font savoir, qui se purifient et vous le font sentir, qui craignent plus que tout de se réincarner en cochons. Et puis ceux qui mangent des côtes de bœuf en cachette et s’envoient un coup de rouge en se demandant avec une angoisse délicieuse si cela alourdira leur karma.

     

    C’est que oui-da il y a des obsédés du karma comme il y a des fanas du mûla-bandha, des fondus de l’uddiyâna, des frappés de jâlandhara, des forcenés de la bhastrikâ, de vieux babas enragés de mudrâs, flottant dans le samsâra et dans l’odeur du gañja


    Comme il y a des yoginîs fumeuses de bidis, frétilleuses de la kundalinî, expertes en nauli, friandes de samâdhi, goûteuses d’amaroli, virtuoses en sahajolî, qui se font appeler Shakti lorsqu’elles s’unissent à leur Shiva, le samedi soir après le yoga, pour faire maithuna, yab-yum et youp-la-la.

     

    (Mais il y en a tant d’autres qui voudraient bien savoir à la fin ce que c’est que maithuna, et cela les énerve.)

     

    Oui, et ainsi va le samsarâ, et vive Mâyâ qui n’existe pas, si l’on en croit Gaudapâda, il y a des hommes qui se prennent pour des yogis, il y a des femmes qui se prennent pour des yoginîs, il y a des souris et des hommes, des souris et des yogis, et puis,

     

    Shiva-Pârvatî soient loués, il y a des hommes et des femmes qui ne se prennent pour rien, et que le yoga prend dans ses bras et porte doucement, tendrement, et emporte, vers là-bas, qui déjà est ici, et c’est si beau alors et c’est si simple, le yoga."

     

       Pierre Feuga (extrait de "Fragments tantriques")

     

    Merci à son humour! Oui, dans le yoga on entend/voit de tout ça!


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  • http://ekladata.com/wit0e-fXG-IZzaP_t7akjFUHtMk.jpg  « Vieillir est la plus solitaire des navigations », nous dit Benoîte Groult. Travailler à vieillir implique donc d’assumer une forme de solitude. Je dis bien de solitude et non pas d’isolement. Car nous savons maintenant à quel point l'isolement peut être à la source d'une tristesse et d'un repli sur soi, qui conduisent tout droit a la mauvaise vieillesse.

     

    La solitude dont il va être question maintenant est au contraire le signe d'un vieillissement joyeusement accepté. « La solitude est un cadeau royal que nous repoussons parce qu'en cet état nous nous découvrons infiniment libres et que la liberté est ce à quoi nous sommes le moins prêts », écrit Jacqueline Kelen.


    Dans son livre L'Esprit de solitude, elle distingue la solitude triste, souffrante des personnes âgées abandonnées, oubliées, miser à l'écart, qui serait plus exactement un isolement, de la solitude « belle et courageuse, riche et rayonnante, que pratiquèrent tant de sages, d'artistes, de saints et de philosophes ». En la lisant, je me demande pourquoi en vieillissant nous ne pourrions pas avoir accès a cette « solitude magnifique ». Au lieu de nous enfermer sur nous-mêmes, de nous replier, pourquoi n'irions-nous pas à la rencontre de nous-mêmes, pourquoi ne prendrions-nous pas du recul, de la hauteur ?

     

    Regardons autour de nous. Tant de personnes âgées sont isolées parce qu'elles ont fait le vide autour d'elles. C'est leur égocentrisme aigu et non l’indifférence des autres qui est en cause. Elles ne cessent de geindre, de se plaindre, d'être obsédées par elles ­mêmes. Ces "mauvaises solitudes " conduisent a la tristesse, au ressassement, à la désespérance.

     

    Comment s’étonner alors que, adulte, la personne soit si dépendante des autres, n'ait jamais appris à compter sur elle, à se connaître, à se faire confiance ?

     

    La solitude est vécue comme un fléau. Nous en avons une vision pathologique. Il faut donc a tout prix y remédier. Elle est traitée comme une maladie avec des tranquillisants, alors que c'est une expérience qui ouvre sur la liberté, sur des ressources insoupçonnées, des énergies latentes endormies. La personne humaine est beaucoup plus capable qu’on ne le croit d’assumer cette solitude-là, de l’affronter et de la vivre comme une expérience initiatique.

    Ainsi abordée, l’épreuve de la solitude est susceptible de provoquer un éveil, une prise de conscience. Bien sur, elle décape, dépouille, mais elle révèle le fond de l’être qui est d’or : « Le fond de l’être est joie, légèreté, fraîcheur, mais il fallait désencombrer la source, quitter les oripeaux, abandonner le « vieil homme », ses souffrances et ses certitudes. »

    Extrait de "La chaleur de nos coeurs empêche nos corps de rouiller". Marie de Hennezel

     

    Hyde Park Londres


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