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Ils ont choisi de ne plus travailler
Un jour, ils se sont dit : C’est fini, j’arrête ! Le métro, le boulot et la vie qui va avec : ils ont tout quitté pour se réinventer. Ni retraités ni chômeurs, sont-ils vraiment plus heureux qu’avant ? Quels obstacles ont-ils rencontrés, à quoi ont-ils dû renoncer ? Ils racontent.
Décider de ne plus travailler, alors que règnent le chômage, la peur de perdre son poste, la course à la recherche d’emploi ? Pour nombre d’entre nous, ce serait impensable. Certains, pourtant, ont fait ce choix. Ils n’ont pas pris cette décision sur un coup de tête ni par dégoût de leur métier, mais pour adopter un autre mode de vie, se consacrer à d’autres activités parfois plus prenantes : élever des enfants, pratiquer un art, construire une maison, vivre autrement, hors du système… Combien sont-ils ? Allez savoir ! Ils se retrouvent classés, dans les statistiques françaises, parmi les quatre millions six cent mille « inactifs en âge de travailler » – femmes au foyer en grande majorité. Ni étudiants, ni retraités, ni chômeurs, ils sont définis comme « ne travaillant pas et ne cherchant pas de travail (In De moins en moins d’inactifs entre la fin des études et l’âge de la retraite, Insee première, décembre 2002) ». Tous n’étant pas rentiers ni gagnants du Loto, ils ont réduit leurs dépenses, vivent généralement avec un salaire pour deux, ou bien d’allocations diverses, ou encore en communauté, et disent s’en satisfaire. Parfois même y avoir gagné… en qualité de vie, en cohérence avec eux-mêmes.Changer de priorités
Pourtant, aujourd’hui, travailler, c’est exister. Ainsi, « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? » est « la » question qui revient rituellement lors d’une première rencontre. Ces quelques mots – et le fait que chacun comprenne aussitôt qu’ils concernent le travail ! – montrent à quel point nous avons intégré l’idée que l’emploi est la source de notre identité, et la clé d’une vie autonome et épanouie. « Il ne faut surtout pas mésestimer l’intérêt de la vie en entreprise, confirme le coach et consultant Jean-Daniel Remond. Les contacts quotidiens, les réseaux, les amitiés, le partage des activités, l’impression d’être utile au sein de la société, mais aussi la rencontre avec nos limites et le plaisir qui naît à les dépasser, tout cela contribue à forger notre personnalité et, en ce sens, participe largement à la formation de notre identité. »
Ainsi, bon gré mal gré, le travail reste le terrain privilégié de l’accomplissement des potentialités et de la réalisation de soi. Selon les sondages, il constitue plus que jamais, pour les Français, la deuxième valeur après la famille (Sondage ISL, Le Monde du 24 avril 2009). Rompre avec la vie « productive » n’est pas seulement une question de moyens matériels : sur ce point, la réponse est simple (on pourra ou on ne pourra pas) – certains, comme Françoise (lire plus bas), nouvelle adepte de la décroissance, sont prêts à de grands sacrifices. La question porte avant tout sur la capacité à se construire une nouvelle identité, un nouveau moi, hors du travail.
« Je reçois plutôt des gens qui veulent changer de carrière, mais le choix d’arrêter carrément correspond à la même démarche, explique le coach Pierre Blanc-Sahnoun , auteur de L’Art de coacher (InterÉditions, 2006). Il s’agit de sortir d’un modèle culturel convenu, prescrit, pour entrer dans un processus individuel de redéfi nition de sa vie : quel genre de personne avons-nous envie d’être, que voulons-nous atteindre ou réaliser, avoir ou être, valoriser et honorer ? Cela témoigne d’une volonté de quitter une identité dominante – où le travail définit la personne – pour exprimer une identité préférée – via une activité en accord avec le sens que l’on veut donner à sa vie et les valeurs que l’on veut affirmer. On passe de l’emploi imposé à l’activité voulue. C’est donc un choix identitaire d’autant plus important qu’il provoque souvent critique et incompréhension. »
Supporter les préjugés
Crise, délocalisations, flexibilité… Les évolutions récentes mettent à mal nos repères.Face à ces changements, souvent subis, une journaliste et une psychanalyste nous expliquent comment reprendre les rênes de nos vies professionnelles (Hachette Pratique, 2009).C’est surtout à travers le regard d’autrui que les problèmes surgissent, comme le note Jean-Robert face à son banquier, qui ne le voit même plus. Contre l’impression d’être devenu « transparent », la solidité du couple et le soutien des proches se révèlent déterminants. Mais pour éviter les remarques ou les critiques de leurs amis, certains se sentent contraints de prétendre qu’ils travaillent encore. D’autres, au contraire, assument d’être marginalisés au nom de leurs valeurs – ainsi Claude (lire plus bas), qui a décidé de se vouer à un homme au mépris des idées féministes. D’autres encore contre-attaquent : pour eux, beaucoup de gens travaillent par conformisme, évitant ainsi d’oeuvrer sur eux-mêmes. Outre-Atlantique, où le chômage fait rage, on est même allé jusqu’à créer un nouveau mot (funemployment) pour proclamer la volonté de profiter du « manque d’emploi » (unemployment) en vue de prendre du « bon temps » (fun). Tous insistent : s’ils ne « travaillent » plus, ils s’activent davantage, et plutôt mieux que jamais.
Expression d’une « identité préférée », réflexion sur soi-même, affirmation d’autres critères : la « valeur travail » serait-elle en danger, victime de l’aspiration au développement personnel ? Le débat reste ouvert, mais nos témoins l’ont montré, assumer sans complexe ses choix peut, malgré les difficultés, conduire à des découvertes sur soi et à un véritable renouveau.
A lire
Remettre le travail à sa juste place de Catherine Viot et Luce Janin-Devillars
Commentaires ICI
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Commentaires
12SuzameMercredi 13 Novembre 2013 à 13:33
J'ai juste retenu + entre deux lignes :
- un salaire pour deux - il faut donc au moins être deux - il faut donc au moins que l'un des deux travaille
- allocations - il faut que d'autres travaillent pour générer des prélèvements de cotisations qui serviront à payer les allocations de ceux qui ne travaillent pas - et ça pour moi c'est "profiter du système" si ce choix est conscient.
Je reviendrai lire... demain.. après-demain.. je dois travailler pour assurer ma subsistance, mes modestes petits loisirs, et payer des cotisations pour générer des allocations pour ceux qui décident de ne plus travailler.
Oups... ca ne va sans doute pas plaire à tout le monde ma p'tite intervention...
Pour ceux-là, facile d'imaginer que le travail n'est pas un problème.
Mais pour les autres, et sans doute la plupart, n'y a-t-il pas une sensation d'obligation à travailler pour vivre qui empêcherais de se demander de quoi avons-nous réellement besoin pour se sentir bien ?
Ceux qui vivent mal leur travail ont-ils peur de le perdre ou bien redoutent-ils une profonde remise en question de leur conditionnement ?
Pourrait-on imaginer un "travailler/gagner moins pour penser/découvrir plus".
L'alternative travailler/ne pas travailler est compliquée à franchir.
Il est plus aisé de vivre cette transition par palier me semble-t-il !Alors disons que ce n'est pas d'un travail dont nous avons besoin mais d'argent...et l'argent vient grâce au travail.
Quel est le risque de se marginaliser? Se sentir mal à cause du regard des autres? Voilà une autre forme d'esclavage!
Oui, il y a des travailleurs pauvres alors que d'autres gaspillent.
La justice n'a jamais été présente, ce n'est qu'un changement profond de l'homme qui pourra remédier: Être au lieu d'avoir... Pour quand la salvatrice décroissance?
Merci Dju!
Quand on est jeune, je crois qu'il vaut mieux ne pas trop sortir du cadre, au risque de se marginaliser... Alors un travail pour tous ça devrait être un droit, mais comment faire lorsqu'il n'y a plus assez de travail pour tout le monde ? et quand le travail ne permet plus de vivre décemment ?
Bien amicalementMais nous travaillons quand même! Nous gérons notre emploi du temps à notre guise, et ça, ça n'a pas de prix. Bises.
Il y a trente cinq ans, j'ai fais ce choix de ne plus travailler !
Jamais je ne l'ai regretté, j'ai gagné tellement de ces choses qui ne se comptent pas, amour, amitié, nature, relations ...
chacun est libre de faire son choix, tout dépend de son idée de la richesse ...
Tout à fait d'actualité pour moi ! Je débute un congé sabbatique de six mois pour faire le point. Je ne supportais plus d'aller tous les jours faire une activité qui ne m'apporte plus rien à part de l'argent. Mon objectif est de ne plus y retourner ou alors seulement à temps partiel.
Bonne soirée
C'est terrible tous ces gens qui s'identifient à leur profession ...mais c'est ce qui a été inculqué depuis le plus jeune âge. Aujourd'hui (en dehors des livres) je me débarasse plus que je n'achète, c'est un allègement pour le mental. Merci Malaurye pour ton témoignage.
Pour moi c'était inpensable de ne plus travailler , bien au contraire , je ne disais jamais non quand on me demandait de faire des heures sup . Mais un jour mon corps n'a plus suivi et je suis tombée dans la dépression . Sept ans de maladie , un divorce , une mise au point . Au moment du déménagement j'ai jeté ou donné pas mal de choses encombrantes accumulées pendant 21 ans de mariage . Je me suis rendue compte que tous ces articles coûtaient de l'argent et ne servaient à rien . Aujourd'hui je gagne nettement moins , j'achète le nécessaire et vis une vie plus épanouie .
Bon mardi
bisous
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C'est là aussi que toute les aphorismes d'E.Barret et d'autres prennent toute leur dimension.
Désemployé, désusité , décolonisé ...s'affranchir, se soustraire à...
Le postulat selon lequel les gens qui ont du boulot doivent s’estimer heureux fonctionne-t-il encore ?
Pour combattre cette idée, reçue ou non, qui fait du travail l’une des conditions essentielles du bonheur et de la dignité, et de celui qui en est privé un être humilié, socialement mutilé ... :
Attention Danger Travail
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