• La commercialisation de la pleine conscience

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     D'après un article de Ron Purser et David Loy publié sous le titre Beyond McMindfulness dans le HuffingtonPost du 2 juillet 2013 (version originale anglaise).

    La méditation de la pleine conscience (mindfulness) s’est imposée d’un coup, faisant son entrée dans les écoles, les entreprises, les prisons et les organismes gouvernementaux, l’armée américaine notamment. Des millions de gens tirent des bénéfices concrets de leur pratique de pleine conscience : moins de stress, une meilleure concentration et un peu plus d’empathie peut-être. Évidemment, on ne peut que se réjouir de ce développement majeur. Il a néanmoins sa part d’ombre.

    La révolution de la pleine conscience semble offrir une panacée universelle pour régler à peu près toutes les questions de la vie quotidienne. Quasi-quotidiennement, les médias font référence à des études scientifiques sur les multiples bienfaits de la méditation de la pleine conscience en termes de santé et comment une pratique aussi simple peut provoquer des transformations neurologiques dans le cerveau.

    L’engouement pour le mouvement de la pleine conscience a aussi créé une petite industrie lucrative. D’avisés consultants recommandent des formations à la pleine conscience, assurant qu’elle améliore l’efficacité au travail, qu’elle réduit l’absentéisme et qu’elle met en valeur les compétences personnelles si essentielles dans une réussite professionnelle. Certains vont même plus loin en affirmant qu’une formation à la pleine conscience peut agir comme une « technologie perturbatrice » qui transforme les entreprises même les plus dysfonctionnelles en des formes organisationnelles plus respectueuses, plus compatissantes et durables. Jusqu’ici, cependant, aucune étude concrète n’a été publiée pour appuyer de telles affirmations.

    L’empressement à laïciser et marchandiser la pleine conscience sous la forme d’une technique commercialisable risque d’aboutir à une dénaturation malheureuse de cette pratique ancienne, qui visait bien plus qu’à soulager un mal de tête, réduire la pression artérielle, ou aider des gestionnaires à être plus concentrés et plus productifs.

    Plutôt que d’exercer la pleine conscience comme un moyen d’éveiller les individus et les organisations des racines malsaines de l’avidité, de la malveillance et de l’ignorance, elle est généralement remodelée en une technique banale, thérapeutique de développement personnel qui peut, en fait, renforcer ces racines.

    La pleine conscience, telle qu’elle est comprise et pratiquée dans la tradition bouddhiste, n’est pas simplement une technique moralement neutre pour réduire le stress et améliorer la concentration. Elle est au contraire une qualité distincte de l’attention qui est tributaire et influencée par de nombreux autres facteurs : la nature de nos pensées, de nos paroles et de nos actions, la manière de gagner notre vie, nos efforts pour éviter des comportements inappropriés ou maladroits, tout en développant ceux qui contribuent à une action sage, à l’harmonie sociale et à la compassion.http://www.ozan-aksoyek.net/intelligence-corporelle/wp-content/uploads/atelier3.jpg

    La pleine conscience juste est guidée par des intentions et des motivations fondées sur la modération, des états mentaux sains et des comportements éthiques : des objectifs qui incluent, mais qui l’emportent sur la réduction du stress et l’amélioration de la concentration.

    Une autre idée fausse veut que la méditation de la pleine conscience soit une affaire privée ou intérieure. La pleine conscience est souvent commercialisée comme une méthode d’épanouissement personnel, peut se révéler efficace pour se préserver et faire avancer ses propres intérêts mais est inopérante pour atténuer les causes des détresses collectives et structurelles.

    Si sa propre transformation personnelle est dissociée d’une transformation sociale et structurelle qui prenne en compte les causes et les conditions de la souffrance dans un environnement plus large, elle ajuste la pratique aux besoins du marché plutôt que d’offrir une réflexion critique sur les causes de notre souffrance collective.

    Le Bouddha a souligné que son enseignement traitait de la compréhension et de la fin de dukkha (la souffrance au sens le plus général). Qu’en est-il de la souffrance provoquée par les modes de fonctionnement des institutions ?

    De nombreux défenseurs des entreprises estiment que la transformation commence par soi : si l’esprit peut devenir plus concentré et plus apaisé, alors les transformations sociales et structurelles suivront naturellement. Le problème d’une telle formulation, c’est qu’aujourd’hui les trois moteurs nuisibles relevés par le bouddhisme, que sont l’avidité, la malveillance et l’illusion, ne sont plus limités aux esprits individuels, ils se sont institutionnalisés en des forces qui échappent au contrôle de chacun.

    L’entraînement à la pleine conscience suscite un grand intérêt, car elle devient une méthode à la mode pour maîtriser les troubles du personnel, encourager l’acceptation tacite du statu quo et être un outil efficace pour garder l’attention concentrée sur des objectifs institutionnels.

    Bhikkhu Bodhi, un moine bouddhiste occidental au ton direct, met en garde : « Sans une critique sociale forte, les pratiques bouddhistes pourraient être facilement utilisées pour justifier et maintenir le statu quo, et devenir un renfort pour le capitalisme consumériste. » 

    Ron Purser et David Loy

     

    LIRE L'ARTICLE INTÉGRAL SUR J'AI DEUX KÔANS À VOUS DIRE

     

    Pris chez Frédéric

    « Une très bonne année pour aimer Deux jours à Bruxelles »

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  • Commentaires

    1
    Mardi 7 Janvier 2014 à 15:40
    Daniel

    Complètement d'accord avec cet article. C'est devenu un vrai business, une technique sans dimension spirituelle.

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