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Le Bonheur est dans la marche et dans la vaisselle !
Le Bonheur est dans la marche et dans la vaisselle !
Le Bonheur est dans la marche et dans la vaisselle !
Cette petite phrase à l’allure de koan brodé sur le dos de ma veste polaire a suscité bon nombres de questions, de rires, de chuchotements …
Inévitablement vient un moment où quelqu’un me demande le rapport entre les deux, celui-ci ne paraissant pas évident à première vue.
Et comme je réponds que pour moi il s’agit de la même chose et que le point commun est la présence à ce que l’on fait, autrement dit une méditation dans l’action, alors là une moue dubitative apparaît souvent sur le visage de mon interlocuteur.
J’en dis alors un peu plus pour appuyer mes dires.
A 16 ans j’ai eu comme upa guru, un directeur de colonie alors que j’étais plongeur pour me faire un peu d’argent de poche. Si j’avais cassé quelque plats il aurait très peu apprécié et du coup j’étais très présent à chaque fois que je faisais la vaisselle.
Et très vite j’ai senti tous les bienfaits de cette présence dans l’action, à tel point que plus de 30 ans plus tard, c’est toujours avec le même bonheur que laver la vaisselle est devenue une méditation quotidienne.
En donnant un peu plus d’explications cela conduit la personne à la prise de conscience qu’elle aussi médite finalement parfois en étant présente à certaines activités, mais que cela est difficile à maintenir dans tous les instants du quotidien.
Comme le disait Jodorowski à propos de son père : «A moi, mon père ne m’a rien appris, je peux vivre cela comme une disgrâce ou comme une fête ! Grâce à cela j’arrive au zen, mon père était donc un grand maître zen !»
En m’emmenant avec lui à la pêche dès l’âge de 4 ans, mon père m’a probablement offert un cadeau inestimable, celui d’apprendre à méditer très jeune sans le savoir. Car qu’est-ce que la pêche si ce n’est un acte dans lequel nous devenons regard pur pour un bouchon à la surface de l’eau ou bien pure sensibilité à la tension du fil sur la canne ?
Lorsque la surface du lac est calme, l’esprit présent à ce bouchon devient lui aussi calme. Avec le recul je m’aperçois que les plus belles journées étaient celles où le poisson avait mordu certes mais aussi celles où j’avais été présent de longues heures. Tout comme le chat qui attend devant un trou de souris sans même savoir si elle va sortir, c’est un véritable état d’éveil à la Vie que celui d’être attentif.
Quand Mollah Nasruddinne répond à quelqu’un qui lui demande ce qu’il fait là, assis sur le bord d’une place, sans rien faire, qu’il se passera un jour quelque chose ici et qu’il souhaite être présent ce jour là c’est de cela aussi qu’il témoigne. Et en fait ce jour-là même si rien de spécial n’est en train de se passer, c’est à la Vie que Mollah est présent, le futur n’a aucune importance.
Histoire zen : «Maître, c’est quoi le zen ?»
Le maître : «Tu as fini de manger ?»
L’élève : «Oui»
Le maître : «Alors va laver ton bol ?»Le zen n’est pas une forme d’excitation, mais la concentration sur notre routine quotidienne.
Méditer, ce mot ayant eu comme sens le fait de réfléchir, est en fait bien loin de cela. Méditer, être entièrement présent corps et esprit à chaque instant, c’est véritablement être vivant, tout voir comme si c’était la première fois !
En cherchant à tout voir ainsi un émerveillement toujours neuf est présent dans notre esprit et dans notre cœur. C’est cet esprit d’émerveillement, ce regard innocent qui nous mettent vraiment en contact avec la vie qui est là au présent, toujours neuve.
Comme le disait quelqu’un la Vie c’est ce qui se passe quand nous pensons à autre chose ! Et si le bonheur était de vivre à la Bonne Heure, autrement dit au présent ? Etre simplement là, ouvert, attentif à la Vie n’est pas aussi simple qu’il y paraît.
Histoire zen
«Maître, que faut-il pour pratiquer l’art de l’épée ?»
Le maître : «Il faut de l’attention.»
L’élève : «Rien que cela ?»
Le maître : «Non, il faut de l’attention et de l’attention.»
L’élève : «Seulement cela ?»
Le maître : «Non, il faut de l’attention, de l’attention et de l’attention.»
L’élève : «Maître, que signifie attention ?»
Le maître :«Attention signifie attention !»Quand je racontais cette histoire au début des journées de marche consciente il y a quelques années, je voyais sur les visages une lueur d’interrogation et de perplexité.
Depuis tout petit nous avons tellement entendu, fais attention à ceci, à cela, que c’est devenu une injonction inécoutable !En fait il s’agit de contemplation, d’observation, d’écoute en restant le plus détendu possible.
Quand nous aimons quelqu’un ou une activité, nous avons des attentions pour cette personne, cette activité, nous sommes présents pour elle.
Cela conduit au rappel de soi, à cet état témoin dont parlent beaucoup de textes. Krishnamurti nous conseillait d’être attentifs à notre inattention. Se surprendre en flagrant délit d’inattention est le paradoxe de la pleine conscience. Encore une fois je me rends compte que je suis ailleurs, que je ne sens plus mon corps, ma respiration, que depuis un moment plus ou moins long j’ai fonctionné comme un automate.
C’est pour cela que la marche consciente est une aide précieuse pour vivre cette présence à soi-même dans le meilleur des environnements , la nature ou même dans la jungle des villes.
Il est possible de vivre la pleine conscience de manière privilégiée durant la marche pour pouvoir la goûter et la laisser se diffuser dans chaque activité de la vie quotidienne. La pleine conscience ne consiste pas seulement à être tranquille et détendu: elle implique un engagement tout entier dans toutes les activités de la vie, tout en maintenant le contact avec ce point immobile à l’intérieur de soi, d’où émanent la sagesse et la compassion. Simplement il ne faudrait pas ramener la méditation à une technique pour se calmer, se réunifier ou vivre un peu plus consciemment, alors qu’elle est bien plus que cela. Soyons conscients de l’immensité de l’enjeu qui est de faire un pas vers la part éternelle de nous-mêmes !
Cette réalité est notre essence mais nous en sommes exilés et par la pleine conscience nous revenons à notre origine.
Le chemin est paradoxal car si nous méditons avec un but précis nous nous coupons de la Vie, nous tirons des plans sur la comète, alors que la méditation se suffit à elle-même. Méditer peut comporter le piège de le faire pour ne plus ressentir la Vie telle qu’elle est, avec un esprit se projetant dans le futur, thésaurisant sur les bienfaits , comme une épargne retraite spirituelle.
Quand j’aurais médité tant d’heures alors je peux espérer atteindre l’éveil !!
Un jour on parla à Ramana Maharshi d’un grand pratiquant qui passait chaque jour huit à dix heures à méditer.
« Oh ! Il médite ! Il mange ! Il dort ! Qui médite ? Qui mange ? Qui dort ? Quel avantage y-a-t-il à méditer dix heures par jour si cela ne sert finalement qu’à vous ancrer un peu plus dans la conviction que vous méditez ?
Ne médite pas : sois.
Ne penses pas que tu es : sois.
Ne t’affaire pas à être : sois.Paradoxalement la méditation conduit à la découverte d’une absence, ce que nous croyions être était une illusion, notre véritable nature seule est réelle.
HEN-HUI disait : «Voir sa propre nature, c’est voir la vacuité. Voir la vacuité, c’est la vraie vision, la vision éternelle.»
Daniel Zanin, explorateur de la marche
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