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Intérieur et extérieur
L’Évangile nous dit: le Royaume ne vous rendra pas schizophrène, « il est à l’intérieur de vous et il est à l’extérieur de vous ». Il s’agit de ne rien opposer, de tenir ensemble le dedans et le dehors. Ce n’est pas si facile, mais cela donne de la surface et de la profondeur à toutes choses. Cela transforme le regard. Il nous faut désormais «voir» le dedans et le dehors de tout ce que nous rencontrons. D’abord respecter la peau, la forme, les particularités de ce qui nous entoure, la Présence de l’Être est là. Il ne s’agit plus de fermer les yeux aux apparences mais il ne s’agit pas non plus de s’y enfermer. Essayer de sentir l’intériorité de tout ce qui existe, sa profondeur, voir tout ce qu’il y a d’invisible dans le visible, tout ce qu’il y a de silencieux dans la parole que nous entendons, tout ce qu’il y a d’impalpable dans ce que nous touchons... Cette attitude développe un état d’éveil particulier dans le quotidien.
Lorsque nous écoutons une musique et qu’un certain silence se fait en nous, le silence, le son ne s’excluent pas contraire, ils vivent leurs noces. C’est un moment de Royaume, de Présence totale.
Toucher quelqu’un avec amour, avec intériorité, c’est à la fois très sensible, très sensuel et pourtant une autre dimension peut être présente. « Celui qui est charnel, l’est jusque dans les choses de l’Esprit; celui qui est spirituel, l’est jusque dans les choses de la chair », disait encore saint Augustin. Aimer son prochain comme soi-même, comme intérieur à soi-même et pourtant ne pas «le réduire à soi », telles sont les conditions d’une véritable relation.
L’amour est respect de l’altérité et de l’identité; tic l’unité et de la différence. S’il n’y avait qu’altérité - extériorité, il n’y aurait pas de communion possible. Nous resterions dans la séparation, l’incommunicabilité. S’il n’y avait qu’identité-unité, il n’y aurait pas non plus de relation possible, mais fusion-mélange. La différence, c’est l’espace même pour que la relation soit possible. « Si je n’étais pas autre que toi, comment pourrais-je t’aimer et aller plus loin que moi?»
Ainsi, travailler à la venue du Règne de Dieu c’est dans un double mouvement intérioriser toutes choses, spiritualiser la matière, et c’est extérioriser, manifester l’Esprit qui nous habite, l’incarner dans l’espace et le temps, la société, les situations qui sont les nôtres. Le Royaume n’est ni en haut, ni en bas, ni à droite, ni à gauche, ni au- dedans, ni au-dehors... Il est la hauteur, la profondeur, la largeur, l’épaisseur, le dedans, le dehors, l’intériorité, l’extériorité. Il est la totalité de ce qui est et de ce que nous sommes.
… - Jean-Yves Leloup
L’évangile de Thomas
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