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L'empire de la honte (6/6)
Je suis l'autre, l'autre est moi. L’inhumanité infligée à un autre détruit l'humanité en moi.
Karl Marx écrit :
«Le révolutionnaire doit être capable d'entendre pousser l'herbe.
Du 5 au 7 juin 2007, dans la station balnéaire de Heiligendamm, en Allemagne, sur la mer Baltique, s'est tenue la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement des huit Etats les plus puissants de la planète.
Un immense filet métallique pose dans la Baltique, un mur, des barbelés s'étirant sur 12 kilomètres, des nageurs de combat, un navire de guerre américain, des hélicoptères noirs Apache, 16 000 policiers, des troupes d'élite, des snipers postés sur les toits de tour les villages environnants devaient protéger le G8.
5 000 journalistes du monde entier, parques dans la bourgade voisine de Kühlenborn, suivaient l'événement.
A Heiligendamm, Vladimir Poutine, Angela Merkel, George W. Bush, Nicolas Sarkozy ont tenté de se donner des airs de maitres du monde.
Tentative touchante, frisant le ridicule.
En juin 2006, les 500 plus puissantes sociétés transcontinentales privées ont contrôlé plus de 52 % du produit mondial brut, c'est-à-dire de toutes les richesses (capitaux, services, marchandises, brevets, etc.) créées en une armée sur la planète.
L'Afrique s'est trouvée au centre des débats.
Les deux principaux points de l'ordre du jour concernaient, d'une part, la « garantie des investissements privés » et, de l'autre, universalité de la protection des brevets ». Le mot «faim » ne figurait pas dans l’agenda de Heiligendamm.
Au-delà du mur, éparpillés dans la campagne sablonneuse du Mecklenburg, les tentes et les abris improvisés des adversaires du G8 s'étendaient à perte de vue.
Nous étions plus de 150 000 venus de 41 pays, représentant une multitude de mouvements sociaux, des Eglises, des syndicats. Durant toute la durée du sommet, 120 séminaires, discussions publiques et veillées nocturnes ont été organises. Ils ont traitséde la dette, des refugies de la faim, du droit a l'eau potable, de la lutte contre les planter génétiquement modifiées, de la délocalisation des entreprises, de la discrimination salariale des femmes, de l'indépendance des banques centrales, de l'habitat insalubre, du désarmement économique unilatéral des pays du tiers-monde, du terrorisme, de l'Organisation mondiale du commerce, de la privatisation forcée des secteurs publics.
Victor Hugo : « Vous voulez les pauvres secourus — je veux la misère abolie. »
Une conscience collective nouvelle, une formidable fraternité de la nuit, une multitude infinie de fronts de résistance locaux (dont la coordination est a venir) sont en train de naître.
Une nouvelle société civile planétaire surgit de la coalition de toutes ces consciences réveillées.
Elle porte l'espoir d'un monde promis a la justice, à la raison, au bonheur.
L'issue du combat est incertaine.
Une certitude pourtant existe. Pablo Neruda, à la fin du Canto General, l'évoque :
« Poden cortar todas las flores,
Pero jamas detendran la primavera. »
Ils [nos ennemis] peuvent couper toutes les fleurs . Mais jamais ils ne seront les maîtres du printemps »
Jean Ziegler
Genève, septembre 2007
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