• La femme est l'initiatrice de l'homme

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    Les femmes ont une chance inouïe, certifie Jacqueline Kelen, passionnée par les mythes et les symboles : elles sont porteuses d'amour ; de cet amour sacré capable de révéler les hommes à eux-mêmes et de transfigurer le monde.

     

     

    - Être femme est une chance pour vous ou vous arrive-t-il de le regretter ?

     

    J'ai toujours trouvé qu'il était magnifique d'être une femme.

    Non pas que ce soit une catastrophe d'être un homme, ni une infériorité... [...]

    Selon que l'on est homme ou femme, notre mission diffère et il m'apparaît de plus en plus que celle de la femme est d'être la gardienne de l'Éternel par la voie de l'amour. La femme est une passeuse d'amour et elle incarne, ou du moins peut, au mieux d'elle-même, incarner cette verticalité qui relie l'être humain à Dieu.

    - Qu'est-ce qui vous fait dire que c'est là sa mission ?

    Cela ne s'explique ni rationnellement ni biologiquement, ni même psychologiquement. C'est une question d'intuition et d'expérience. Il est troublant, pourtant, de voir que tous les grands mythes légués par les traditions les plus anciennes, ceux de la civilisation égyptienne et avant elle, il y a 6000 ans, de la civilisation sumérienne ou de la Chine antique, se rejoignent pour décrire la femme comme la "Porte du ciel" ou l'intermédiaire entre le ciel et la terre. C'est elle qui est la dépositaire des secrets célestes, par elle que l'être humain peut retrouver la trace de la divinité...

     

     

    - D'où lui viendrait cette mission, selon vous ?

     

    De sa nature même. Aujourd'hui, beaucoup de femmes se sentent en éclat, morcelées. Elles se demandent comment concilier leur vie de mère, d'épouse et de femme qui travaille mais il me semble que ce malaise vient d'une confusion entre les rôles sociaux, familiaux et professionnels et le moi profond de la femme. À force de s'éparpiller à travers toutes ses fonctions, la femme a un peu perdu contact avec elle-même, avec sa nature féminine. Les féministes de la première heure contesteraient violemment cette notion de nature féminine... Mais, pour moi, ce qui fait le fondement même de l'éternel féminin, c'est la capacité qu'a la femme à aimer, sa faculté de transfigurer le monde visible et de montrer qu'il peut prendre une autre dimension grâce à l'amour qu'elle incarne.

     

    - Manifestement, vous donnez au mot amour un sens très fort qui n'est pas forcément celui que tout le monde reconnaît... Nous réduisons trop souvent l'amour à sa dimension psychologique. Si notre époque est malheureuse c'est peut-être, justement, parce qu'elle se fourvoie en rabaissant sans cesse l'amour au niveau de la psychologie. Le sentiment amoureux est de cet ordre, tout comme la jalousie, la possession ou cette forme d'amour que l'on oppose à la haine... Chacun de ces sentiments relève du mental et de la psyché, un domaine obscur, compliqué, toujours en proie à des remous et des tourments... Mais l'amour dont je parle est synonyme de sacré et quand on le vit, on entre dans une dimension d'éternité, de pure offrande et de pure louange. Il ne s'agit pas là d'une formule, mais d'une expérience dont témoignent tous les mystiques et que l'homme et la femme peuvent connaître dans l'acte amoureux: dans les moments de ravissement de l'amour, nous prenons conscience que notre véritable nature est la joie et que nous sommes, par essence, des êtres d'allégresse.

     

     

    - Ne craignez-vous pas de choquer en mettant sur le même plan la relation physique entre un homme et une femme, et la spiritualité ou l'expérience mystique ?

     

    Si j'en choque certains, c'est parce que nous voyons tout en termes antinomiques: on a voulu séparer le corps et l'esprit comme si la spiritualité était d'ordre mental. Comme si elle impliquait de renoncer aux sensations, aux émotions et à la plus belle chose qui soit en ce monde: le désir. Ce serait une spiritualité d'eunuque. Si nous sommes vivants, nous sommes dans ce corps qui nous a été donné et l'amour, alors, passe par lui. Or, peut-être parce que la femme a la possibilité d'héberger en elle un enfant, elle est moins portée que l'homme à dissocier le corps et l'âme. Elle a gardé plus que lui le souvenir que le corps est sacré et qu'il est infiniment précieux. Elle reste la mémoire de ce lieu de plénitude et de lumière qu'est le paradis...

     

     

    - Mais n'est-ce pas une femme, Ève, au contraire, qui a fait chasser l'homme du paradis ?

     

    On a beaucoup calomnié Ève et on lui a fait un fort mauvais procès car Ève, en réalité, signifie la vivante. Or, s'il est une caractéristique féminine par excellence, c'est bien cette qualité de vivante. C'est à elle que la Femme, dans les femmes que nous sommes, doit sa dimension d'initiatrice auprès de l'homme. Une initiation qui n'a rien à voir avec le kamasutra ou les jeux sexuels... C'est la Shakti qui danse sur le corps de Shiva dans la tradition hindoue, la femme qui danse sur le corps de l'homme dans les traditions antiques... Dans l'acte amoureux, la femme fait cadeau à l'homme de son corps à lui, elle lui donne le sens de son corps à lui.

    Il est rare, en effet, que l'homme ait un contact juste et amical avec son corps. Même un sportif ou un homme très actif n'est pas vraiment dans son corps. Il n'éprouve aucune reconnaissance à son égard. Mais dans l'étreinte, l'homme prend conscience que son corps est infiniment plus qu'un corps. Il s'éveille à cette dimension d'éternité où tout se rejoint, le corps, l'esprit et l'âme, le ciel et la terre, ici et là-bas...

     

     

    - Face à cette femme éternelle que vous évoquez, capable d'éveiller l'homme à la vie et à lui-même, comment voyez-vous les femmes d'aujourd'hui ?

     

    La plupart n'ont pas conscience de la puissance d'amour dont elles sont porteuses. Elles cherchent à être désirées, aimées, chouchoutées, toutes choses qui sont très agréables et extrêmement importantes sur le plan humain mais qui n'engagent pas leur nature profonde... Elles devraient retrouver le rôle que jouait au XIIème siècle la dame courtoise vis-à-vis du troubadour, celui qu'incarne la dame à la licorne que nous voyons au musée de Cluny à Paris: ce n'est pas la femme qui demande à l'homme de rester auprès d'elle, de faire couple, et d'avoir des enfants avec lui. C'est celle qui tend à l'homme un miroir et qui l'invite à se hisser jusqu'au plus beau, au plus rare de lui-même; celle qui lui murmure qu'il doit se mettre au monde et découvrir en lui cet être de lumière qu'il est fondamentalement. C'est un rôle à la fois douloureux et exaltant: il lui faut sans cesse rappeler à l'homme qu'il ne doit pas se contenter d'être un bon père, un bon époux et un homme d'affaires -ce qui va de soi au demeurant- mais qu'il est aussi un pèlerin de la sagesse et qu'il ne doit pas oublier son âme...

     

     

    - Pensez-vous que les femmes renoueront un jour avec leur mission spirituelle ?

     

    Oui, parce qu'elles continuent malgré tout d'incarner l'amour. Encore aujourd'hui, celui-ci reste l'enjeu de leur vie comme il l'a été de tout temps et dans toutes les sociétés. Au nom de l'amour, la femme est prête à brûler tous ses vaisseaux et à prendre tous les risques, alors que l'homme se réserve. Les hommes sont très forts pour débattre d'idées, de politique, d'économie ou de technique mais ils ont des réticences à s'impliquer. Ils ont un mal fou à parler de leurs émotions et s'accrochent à des concepts. L'homme moderne, efficace, rentable, matérialiste se réfugie dans un monde cérébral auquel beaucoup de femmes se laissent prendre aussi, du reste. Pourtant, même si elles ne voient pas toujours son caractère sacré, vous remarquerez que c'est toujours les femmes qui parlent d'amour, comme c'est toujours elles, d'ailleurs, qui témoignent du corps. Moi je m'en aperçois constamment dans les conférences et les colloques: même sur des sujets scientifiques, les femmes ont une parole beaucoup plus incarnée. Elles parlent du lieu de leur corps et de leur cœur. Leurs propos sont à la fois sensuels, charnels, violents aussi peut-être mais toujours vibrants d'émotion et de vie.

     

     

    - Voyez-vous dans le fait que l'on valorise davantage aujourd'hui les valeurs féminines un espoir pour notre société?

     

    L'espoir, je le vois plutôt dans cette puissance capable de tout transfigurer qu'est l'amour. Les mystiques n'ont cessé de le dire : l'amour est tout. C'est lui qui crée les mondes. Lui qui nous a suscité et nous a fait émerger. Sans lui, nous tombons en poussière. Ce n'est pas une relation entre deux êtres, entre un homme et une femme ou une femme et un enfant; c'est ce qui permet toute relation. L'amour est la finalité même de l'univers. Et si nous avions davantage conscience que l'amour circule en nous comme le sang dans nos veines, je pense que nous serions infiniment plus respectueux de nous-mêmes, de notre corps et des autres.

    Nous aurions aussi davantage de gratitude envers la vie, car la vie est un cadeau de l'amour.

     

    Propos de Jacqueline Kelen recueillis par Anik Doussau, productrice à France Culture.

     

    Jacqueline Kelen a publié de nombreux ouvrages dont :

    L'Éternel masculin (Traité de chevalerie à l'usage des hommes d’aujourd’hui)

     


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  • Commentaires

    10
    Suzame
    Mercredi 13 Novembre 2013 à 13:50
    Suzame
    Et quand l'homme n'a plus besoin de la femme, qu'il en a tiré tout ce qu'il a pu, il la jette... et va voir plus loin...
    9
    Suzame
    Mercredi 13 Novembre 2013 à 13:50
    Suzame
    L'amour inconditionnel... utopie ou vérité !
    Grand débat.

    Je te prie de m'excuser Marie Yog.
    En ce moment je suis bien grise et très fâchée (voir même très en colère) contre l'humanité masculine.
    Ce n'est pas nouveau... et cela ne va pas en s'améliorant :-(

    Lâcher-Prise... telle est la solution... mais je n'y arrive pas et je rumine mes pensées à longueur de journées et de nuits.
    Irrécupérable...

    Est-ce que je rencontrerai un jour une personne qui me réconciliera avec les hommes ?
    8
    Suzame
    Mercredi 13 Novembre 2013 à 13:50
    Suzame
    :-)
    Je suis tout à fait consciente que je gémis... C'est déjà ça.
    7
    danielleg
    Mercredi 13 Novembre 2013 à 13:50
    danielleg
    C'est beau ce que tu dit yog , 'Aimer l'autre, c'est se réjouir que l'autre puisse être heureux sans nous.'
    Pour cela, il me semble qu'il faut avoir fait un bout de chemin déjà, ne plus penser à soi, ne pas être possessive, ni jalouse, ou si l'on ressent cela, travailler à s'améliorer.
    (Suis une ex. possessive) :)
    Bisous!
    6
    Mercredi 5 Décembre 2012 à 10:39
    Yog' La Vie

    C'est vrai que seulement le titre peut sembler être un parti pris. Si je voulais être duelle, je dirai que c'est pour renverser la vapeur. Si l'homme passe pour un handicapé, la femme a de son côté souffert et souffre encore de la domination masculine. Mais en dehors de ces considérations, je trouve cet article très beau et qu'il peut justement aider l'homme à laisser tomber ses armures. Depuis tout petit on lui dit qu'il ne faut pas pleurer comme une fille. Je pense que pour beaucoup ce manque de lâcher prise vient aussi de là.

    Nous avons tout en nous mais l'autre peut simplement nous aider à le découvrir....dans les deux sens!

    Merci Rémy, bonne journée!

    5
    Jeudi 29 Novembre 2012 à 12:38
    rémy
    Bonjour,
    je trouve cette interview à la fois juste et très réductrice, parce qu'elle repose sur une conception dualiste du monde et qu'elle fait de l'homme cet éternel handicapé qui a besoin d'être initié, fécondé, et tout le tralala.
    Juste, oui, dans une certaine mesure, dans une première approche de la relation.
    Restreinte ensuite car nul ne peut aller vers le "féminin" que l'homme lui-même, aller vers le coeur, dans son propre coeur, afin d'y découvrir qu'il est une Femme comme une autre. Et la femme aurait également beaucoup à découvrir des qualités de la nature masculine qui est en elle (Je précise que ce que j'écris n'a rien avoir avec les inepties "jungiennes").

    Rebond aussi sur l'échange de comm : on n'est jamais en colère que contre soi-même; on n'est jamais que son propre bourreau.
    4
    Vendredi 23 Novembre 2012 à 19:44
    Yog' La Vie

    C'est cela quand on s'accepte ou s'aime suffisament. Sinon, on demande à l'autre ce qui nous manque. Bises

    3
    Vendredi 23 Novembre 2012 à 19:42
    2
    Vendredi 23 Novembre 2012 à 10:59
    Yog' La Vie

    Le problème n'est pas tout ce qu'on pense ou qu'on ressent mais être conscient des pensées et des émotions. Le travail se fait la-dessus....et le détachement vient alors tout doucement...mais ne pas l'attendre.

    Méditer = constater le mécanisme de répétition du mental (et qui laisse ses empruntes dans le corps) et revenir au souffle. Il y a tellement de raisons d'être en colère.

     

    Pourquoi tu te prends la tête avec cette réconciliation? Sois déjà bien avec toi-même seconde après seconde, peut être qu'ensuite ou peut-être pas, qu'importe.

    C'est incroyable de se pourrir la vie avec un futur dont personne ne connaît!

    Mais, bon, c'est comme ça, quelque fois on a pas de niaque, alors on gémit.

    Désolée pour le ton, mais peut-être que ça peut servir!

     

    1
    Vendredi 23 Novembre 2012 à 10:32
    Yog' La Vie

    Je te trouve bien adolescente. M'est avis que ce n'est pas aussi simple et qu'il y a tous les cas de figure, même dans l'autre sens. Il faut arrêter de croire à ce "mariage pour la vie", qui nous a été inculqué à travers les contes, qu'il y a des victimes et des bourreaux. Chacun évolue différement. Il ne faut pas confondre l'amour attachement (ce qui peut devenir la haine quand il n'est plus) et l'amour accueil qui est libérateur. Aimer l'autre, c'est se réjouir que l'autre puisse être heureux sans nous.

    Beau vouic Suzame!

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