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La sérénité en 1962
Les observateurs superficiels du Yoga disent, quelquefois, que c'est une méthode pour se «moquer de tout » pour, déserter l'urgence de la réalité. Au fond, la sérénité naturelle des yogins les agace, parce que yoginis et yogins, sont des consommateurs prudents et clairvoyants.
Ils ignorent ou ils redoutent son contenu, sa substance. Les marchands de prêt-à-porter n'aiment pas que fassiez vos robes vous-même. Les marchands s'offusquent, quand vous discutez l’ opportunité de leurs productions. Quant aux marchands de règlements, ils vous disent crûment : « Signez là! De toute façon, vous n’avez pas le temps de lire et vous n'y comprendriez rien..... »
Le philosophe Hermann Hesse a résumé, en trois verbes, la nature de cette Sérénité : «Je puis sourire, je puis méditer, je puis attendre.»
Faites pour attendre un enfant, pour attendre qu'il grandisse, pour attendre le compagnon, à la poursuite de nourriture, les femmes sont beaucoup moins impatientes, que les hommes. Elles sont, au départ, à mi-chemin de la sérénité.
Il est certain que Pénélope, recommençant le jour ce qu'elle a défait la nuit, ne s'ennuie pas : sans cela, elle accepterait le premier prétendant venu. Une autre figure, légendaire exprime cette disposition naturelle au calme : Solweig, fiancée de l'aventurier norvégien Peer Gynt, chante sa sérénité, en l'attendant très longtemps, et cette sérénité n'est pas une résignation frustrée.
Pour y parvenir, pour l'entretenir, le Yoga conseille une attitude mentale particulière, souvent définie sous le titre de karma-Yoga. Vous pouvez le traduire par : la maîtrise de la perception des faits.
Quand vous écoutez la radio, quand vous lisez le journal quand vous participez à une conversation sur un sujet général, n'en retenez pas trop à la fois : ne sautez d'une idée à l'autre, sans enchaînement. L'actualité, manipulée par les marchands d'informations, est une indigeste macédoine, un tourbillon vertigineux d'idées superflues et contradictoires.
Comme les drogues du « bonheur » pour votre organisme, les nouvelles précipitent les chocs mentaux inverses: attendrissement sur un désastre, colère sur un attentat, pitié pour les sous-développés, fureur cocardière contre leurs chefs. «Massacrez le kidnappeur du jour, grâciez le condamné à mort de l'avant-veille.... »
Une yogini ne se charge jamais de problèmes où elle ne peut pas intervenir, surtout de ceux qui sont posés par l’inintelligence collective. Ils ne font pas partie de son karma, de sa zone d'activité. Elle se réserve pour agir sur les détresses, dans son entourage. Elle le fait, sans aucun calcul, à son temps. Elle se méfie de la bienfaisance industrialisée.
La charité directe a un effet précis sur la santé. Tout se passe comme si le réseau capillaire fin du cerveau se nettoyait et s'assouplissait, lorsque la conscience d'agir marche de pair avec la «tendance morale» profonde de l'inconscient. Selon de très grands spécialistes, comme le professeur Baruch, l'humanité actuelle souffre et s'use en conflits, des remords, refoulés dans l'inconscient, au cours de vies individuelles parsemées de petites lâchetés, petites fraudes admises et, parfois, de malhonnêtetés commerciales ou sentimentales.
Dans ce sens, la confession abaisse la tension artérielle, diminue le taux de cholestérol et réduit les scléroses. Les êtres «lourds d'un secret » se portent mal. Mais comme vous ne savez jamais, dans la jungle des lois, on peut vous entraîner l'aveu public, contentez-vous d'examens de conscience bien faits et fréquents.
D'ailleurs, le Yoga est un remarquable bouclier contre le goût des actions frauduleuses : vous ne les commettez plus, non parce que « c'est mal » mais simplement parce que vous n'en avez plus envie. Si là-dessus, vous faites bien avec plaisir, votre sérénité est atteinte aux neuf dixièmes : vous en êtes déjà au contentement de soi.
Quoi faire, dites-vous, à l'écart des « informations », modes, des goûts « du jour » et des choses dont « on parle » ? Développez, sans cesse, vos tendances artistiques et artisanales personnelles, même si vos œuvres ne sont pas très réussies, au début. C'est une soupape permanente, bien yogini, qui ne vous décevra jamais. Si vous ne cherchez pas à vendre ou à être célèbre.
Mais, dans ces deux derniers cas, vous ne seriez encore sereine...
Le dernier dixième de votre sérénité, vous le découvrirez, seule. Il n'est plus dans des faits ou dans des idées précises, et il dépasse les mots : c'est un climat, pur et personnel.
La porte qui ouvre vers lui est en vous. Elle ne s’ouvre pas à dates fixes. Elle ne reste jamais béante. Refermée, vous savez, cependant, qu'elle existe et ce qu'il y a derrière. Vous avez trouvé un sens à votre vie, mais vous avez aussi perçu que la Vie, en soi, pouvait avoir un sens, au delà du fatras de cruautés gratuites et de contradictions qu'elle accumule, dans ces temps « modernes ».
Cette étape ultime, de vous en vous, rejoint les expériences mystiques les plus profondes. Au vrai, elle n'en est qu'un autre aspect, plus accessible, mais tout aussi intransmissible d'individu à individu. Est-elle efficace ? Vue du dehors, un fait la domine : aucune violence, aucun drame, aucun fanatisme ne naît chez les yogins.
Ils parlent peu, et seulement si on les interroge. Ils suggèrent, mais n'ordonnent pas leurs conceptions. Ils ne prennent pas parti, sauf contre la violence. Au sens de Jean-Paul Sartre, ils ne s'engagent pas.
La sérénité définitive vous demande une dernière réserve. La pleine perception de votre Karma, de cette suite d'événements qui forme votre propre vie courante, exclut que vous les repensiez, selon un agencement différent.
Il est dangereux et vide de sens (avyakrtam en hindou) de vous concentrer sur les conséquences d'un détail qui n'a pas eu lieu ou qui aurait pu avoir lieu.
Dire : « et si, ce matin-là, je n'avais pas rencontré Jacques, à l'arrêt du car...», c'est une chasse aux fantômes de faits, essentiellement nuisible. Vous avez rencontré Jacques : tout le reste est fumée.
Ne cédez pas, même « pour rire », au jeu intellectuel que la science-fiction multiplie depuis peu : ne vous promenez pas dans les univers parallèles. Un seul vous suffit : le votre.
Il est déjà assez délicat de pouvoir y être heureux et pour ne pas perdre son temps.
"Yoga pour elle" Edouart Longue
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Commentaires
14LilouMercredi 13 Novembre 2013 à 13:48" Dès que la moindre parcelle de sagesse est entrée dans l'esprit d'un homme il aspire à la solitude" A David- Neel.
Souvent, par esprit de comparaison, connaissant ma passion pour cette personne, on me demande pourquoi je ne voyage pas comme elle, qui à 101 avait encore un passeport valide.
Ce à quoi je réponds que le voyage était à mon sens surtout intérieur, sans cesse renouvelé vers sa source. En ce sens nous nous rencontrons souvent..même sans franchir les limites de mon jardin.
Mais j'avoue que ces propos restent pour la plupart de mes proches comme une douce folie à laquelle ils consentent pour un temps de me laisser goûter.
13sans nomMercredi 13 Novembre 2013 à 13:48Nue Pureté
Nue Ouverture
Nue Existence
Nue Sensation
Nue Accumulation
Nue Expérience
Nue Mystique
Nue Profondeur
Nue Vérité
Nue Apparence
Nue Accession
Nue Transmission
Nue Individualité
Nue Efficacité
Nue Naissance
Nue Yogini
Nue Parole
Nue Interrogation
Nue Suggestion
Nue Conception
Nue Préhension
Nue Participation
Nue Réserve
Nue Perception
Nue Continuation
Nue Survenance
Nue Différence
Nue Vacuité
Nue Concentration
Nue Conséquence
Nue Rencontre
Nue Cession
Nue Hilarité
Nue Intellectualisation
Nue Science
Nue Fiction
Nue Multiplication
Nue Universalité
Nue Délicatesse
Nue Puissance
Nue Êtreté
Nue Heureuseté
Nue Temporalité
Nue est l’anagramme de Une
Nu est l’anagramme de Un
Rien ne peut habiller la Yogini, le Yogin;
Rien ne peut habiller le Soi.
Namasté
12sans nomMercredi 13 Novembre 2013 à 13:48Inutile de passer une chemise supplémentaire,
même tout nu nous sommes encore tout habillé.
Notre corps est l’un de nos plus proches vêtements.
Il survêt déjà ce qui pour nous existe entre nous et notre Soi.
Mourir et naître c‘est changer de vie comme on change de vêtement.
Namasté
11sans nomMercredi 13 Novembre 2013 à 13:4810sans nomMercredi 13 Novembre 2013 à 13:48Ci dessus:
Photo d’un Jaina
Le Jaïnisme est une religion indienne non orthodoxe et athée, qui refuse l’autorité des Védas. La tradition jaïniste évoque 24 maîtres ou Tirthankara, également appelés Jaina (littéralement « les conquérants »). Le dernier maître de cette longue série fut Mahâvîra, contemporain du Bouddha. C’est lui qui fonda la religion jaïniste.
Les Jaina ne croient pas en Dieu. Leur religion leur enseigne l’existence d’un principe divin inhérent à l’âme individuelle et leur prescrit l’adoration des âmes parfaites qui sont l’esprit suprême. La délivrance s’obtient par la Croyance droite, la Connaissance droite et la Conduite droite. Cette religion insiste particulièrement sur le respect des êtres vivants.
Namasté9daniellegMercredi 13 Novembre 2013 à 13:48
On pourrait dire, ' tout le reste est mental 'Je ressens la même chose. Quoique voir d'autres paysages et cultures éveillent à un neuf qu'on avait pas peut-être pas pressenti. C'est aussi dans les différences qu'on se découvre. J'apprends peu à peu à être tolérante avec ceux qui se considèrent comme "normaux"
Merci Lilou!
J'ai été surprise de la modernité et de la clairvoyance de ce texte qui date presque d'un demi-siècle. Déjà les médias étaient repérés comme manipulants les esprits!
Et oui, ce n'est pas normal d'être heureux à notre époque -si volontairement ou non terrorisante- et l'on devrait s'en culpabiliser
Pour ce qui est de la socialisation, c'est ça surtout qui dérange.
«Dès que la moindre parcelle de sagesse est entrée dans l’esprit d’un homme il aspire à la solitude.» ...Et à une consommation moindre
Alexandra David-Néel
Vraiment un très bon texte. Le début m'a rappelé ce que certains "psychologues" employés par les mouvements "antisectes" disent contre la respiration holotropique et le rebirth: le fait d'atteindre un état "océanique" désocialise. Alerte rouge! La socialisation telle que l'entend le monde n'est qu'un apprentissage forcé depuis la naissance afin de faire de nous de bons petits soldats, et voilà t y pas qu'on nous fout ça en l'air ?
La honte soit sur ces prétendus "psychologues" qui ne sont rien d'autres que des matons.
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En fait tout est là dans le tableau..
Du point de vue du chat et des oiseaux..
Dans l'air frais du matin.
Merci pour ces mots..quelle saveur !