• Arnaud Desjardins : La recherche spirituelle vaut d’être vécue

    http://www.babelio.com/users/AVT_Arnaud-Desjardins_1954.jpegArticle lu dans une réponse chez Vieux Jade et trouvé ici

    Depuis plus de quarante ans, à travers ses films, ses livres et les lieux de recherche qu’il a ouverts, Arnaud Desjardins transmet le message des grandes traditions orientales, du soufisme au bouddhisme tibétain. Alors que paraît sa biographie, il dresse avec nous le bilan d’une existence vouée à la sagesse. Pascale Senk

     


    Psychologies : Après toutes ces années de pratique spirituelle et la création de trois ashrams, diriez-vous que vous êtes un gourou ?

    Arnaud Desjardins : Si j’étais dans un dîner mondain, je n’emploierais certainement pas ce terme, qui est devenu maudit à cause du phénomène des sectes ! Je dirais que je suis écrivain. Si, en revanche, mon interlocuteur semble s’intéresser à la spiritualité, alors oui, je lui dirais que j’ai consacré mon existence à cela : faire diminuer une certaine forme de souffrance. Le "guru", en hindi, c’est à la fois "celui qui a de l’expérience" et "celui qui disperse les ténèbres". Pour moi, c’est l’un des mots les plus précieux qui soient. Il existe dans toutes les civilisations sous des noms différents : c’est le "cheik" en arabe, le "pir" en persan, le maître spirituel à qui l’on s’adresse dans toutes les traditions pour recevoir une éducation émotionnelle et spirituelle. Ce travail intérieur, je l’ai d’abord expérimenté sur moi, grâce à l’aide d’un maître indien, Swâmi Prajnânpad. Depuis 1974, j’enseigne comme lui comment "se transformer de fond en comble".


    Et selon vous, les sagesses orientales donnent des clés pour cette transformation ?

    Oui, mais pas seulement elles. C’est pour cela que j’ai cherché, partout, dans les groupes Gurdjieff comme dans les Evangiles, dans le bouddhisme tibétain comme chez Maître Eckhart. Et ce qui m’a passionné, c’était de découvrir peu à peu que ces enseignements si différents se rejoignaient sur plusieurs points essentiels, qui sont vraiment des clés pour se transformer. Trois sont fondamentales. C’est d’abord « connais-toi toi-même ». Ensuite, « vis dans l’ici et maintenant ». Enfin, « accepte ce qui est », que mon maître Swâmi Prajnânpad traduisait par : « Il faut dire oui à l’indiscutable réalité de l’instant. »


    Vous insistez particulièrement sur cette acceptation inconditionnelle du réel…

    C’est cela, la pratique spirituelle, l’ascèse. Cela veut dire s’exercer. Accepter ce qui se passe à l’intérieur de notre être, devenir beaucoup plus présent, attentif, le plus souvent possible et notamment dès que nous nous sentons affectés soit par une émotion négative, soit par une émotion euphorique, qui peut tout autant nous aveugler. Accepter aussi ce qui est. Je me réveille un matin et mon enfant est malade ? Je m’exerce à ne pas perdre mon énergie dans des conflits intérieurs, comme : « Mais pourquoi l’ai-je sorti sans manteau hier ? Pourvu qu’il n’ait rien ! » Non : pas de discussion, pas de décalage avec la réalité. J’appelle immédiatement le médecin. Apparemment, le comportement est le même que pour n’importe qui, mais l’attitude intérieure est totalement différente.


     

    Dit comme cela, ça a l’air simple…

    La simplicité, c’est l’aboutissement. Un swâmi hindou, à qui j’avais demandé, lors de l’un de mes premiers voyages en Inde, « qu’est-ce que c’est la spiritualité ? », m’avait répondu dans un éclat de rire : « Quand il pleut, j’ouvre mon parapluie. Quand il cesse de pleuvoir, je le referme. » Voilà : l’acceptation de ce qui est, l’action juste ensuite. Mais pour parvenir à une telle attitude intérieure, le chemin est très long, très difficile.


    Pourquoi ?

    Parce que nous vivons la plupart du temps dans l’illusion. Les enseignements traditionnels tiennent des propos extrêmement durs sur notre condition humaine ordinaire. Ils parlent "d’aveuglement", de "sommeil" de "non-vérité". Il nous faut sans cesse faire des efforts pour revenir au réel, parce que nous sommes soumis à une certaine forme d’esclavage, celui de notre mental tortueux. Cela, la plupart des chercheurs spirituels ne l’entendent pas vraiment. Or, je le répète : il faut se remettre complètement en cause pour avancer, c’est l’affaire d’une existence entière. Cet engagement sur la voie n’est pas seulement une activité bénéfique que l’on ajouterait à notre existence comme des cours de piano. C’est toute notre existence qui doit se confondre avec la voie spirituelle. Chaque épreuve, chaque moment de ma vie devient alors un point d’appui sur lequel j’exerce ma vigilance et ma compréhension.


    Et qu’est-ce qui peut motiver dans cette ascèse si difficile ?

    L’envie de se développer dans la ligne de l’être, et non dans celle de l’avoir. Et la rencontre directe avec des personnes qui ont déjà accompli ce travail. Vous savez, Swâmi Prajnânpad, mon guru, n’était à peu près rien, socialement parlant. Mais nous, ses quelques disciples français qui avions des moyens financiers, eh bien je peux vous dire que nous étions des mendiants à côté de lui, des infirmes du cœur… Un jour, je l’ai vraiment compris. Je sortais de l’ORTF, où je travaillais, et il pleuvait des trombes. Je ratai le bus. Mon mental se mit à tourner en vrille. Intérieurement, je ne cessais de me plaindre : « Pourquoi dois-je vivre ça, à attendre sur le trottoir, après une journée de travail, etc. ». A ce moment-là, un producteur très célèbre à l’époque est passé devant moi, confortablement installé dans sa limousine. Je râlais de plus belle : « Oui, évidemment, moi je suis sur le trottoir, trempé, pendant que d’autres… » Et soudain, du plus profond de moi, une question est montée : « Arnaud, de quoi as-tu le plus envie dans ta vie ? Veux-tu ce que possède ce producteur ou bien ce que vit Swâmi Prajnânpad ? » Eh bien, la réponse, évidente, ne s’est pas fait attendre. Et je me suis immédiatement apaisé.


     

    De ce qu’avait votre maître, que désiriez-vous ?

    La liberté, la plénitude, la présence. Il était comblé et ne demandait rien. C’était lui le plus riche d’entre nous. Et ce qui dominait chez lui, comme chez tous les maîtres authentiques que j’ai approchés, c’est l’amour. Non pas "l’amour émotion" dans son sens galvaudé d’aujourd’hui, mais un amour profond, une bienveillance, un sentiment qui a à voir avec la bonté, l’intelligence du cœur. Ma fille, qui avait 4 ans à l’époque, a demandé à celui que nous appelions Swâmiji s’il possédait des pouvoirs miraculeux comme certains yogis. Il lui a répondu : « Infinite love, infinite patience » (« Amour infini, patience infinie »). Aujourd’hui, je réalise à quel point c’était vrai. Donc, c’est cela qui motive : trouver quelqu’un qui vous donne envie de ce qu’il est et non de ce qu’il a.

     


    Vous avez expérimenté cette transformation promise par les enseignements spirituels. De quoi est-elle faite ?

    Je dirai d’abord qu’il y a une diminution de l’égocentrisme et que, donc, notre perception du monde, des autres, devient plus vaste. Il y a aussi la disparition progressive de ces émotions qui sont toujours liées à « moi, mes souffrances ; moi, mon bonheur ; moi, ma réussite » ; la neutralisation de toutes sortes de pensées inutiles qui sont des projections, des peurs, des illusions ; et ainsi de plus en plus d’ouverture spontanée et aisée aux autres, de plus en plus de présence au moment présent.

     


    Et cela, même dans les pires circonstances ?

    Oui. En juillet 2000, j’ai eu un gros problème, un œdème pulmonaire aigu. Peu à peu, je sentais l’eau monter dans mes poumons comme si j’allais mourir noyé. Les secours n’arrivaient pas. Jusque-là, je ne savais pas si je serais capable de « dire oui à la mort ». Et bien, après toutes ces années d’exercice de l’acceptation, je n’ai pas résisté. J’étais calme, entièrement prêt à cette nouvelle expérience. Ce que nous enseignent les spiritualités, « vivre dans le climat du oui », opérait encore. En cela, je veux témoigner : même si j’ai réalisé tous mes rêves d’enfant, comme celui de réussir, d’avoir du succès, de connaître des gens célèbres, de voyager, l’aventure qui de loin reste la plus importante, celle qui surpasse toutes les autres, c’est cette transformation intérieure.

     

     

    « SemerVoici la morale parfaite »

  • Commentaires

    8
    danielleg
    Mercredi 13 Novembre 2013 à 13:33
    danielleg

    Bonjour!

    La ,tu  me  fait  plaisir.

    Arnaud,fait  vraiment  partie  de  moi - meme  , ainsi  que  son  enseignement.

    Peut  tu  m 'indiquer  pour  l'accent  circonflexe?

    Belle  journée  a  toi.

    7
    Narf
    Mercredi 13 Novembre 2013 à 13:33
    Narf

    « Quand il pleut, j’ouvre mon parapluie. Quand il cesse de pleuvoir, je le referme. »

    Quelle jolie phrase! Elle me plaît beaucoup, me parle bien et ne prend pas la tête! Voilà! J'ai enfin trouvé une spiritualité ui me convient! J'adore! Merci Yog!

    6
    danielleg
    Mercredi 13 Novembre 2013 à 13:33
    danielleg

    Non ,  je  ne  l 'ai  pas  rencontré  en  chair  , et  en  os  comme  on  dit...

    Mais, souvent  quand  j 'ai  une  questions  importante ,nous  communiquons  par 

    courrier.

    Par  contre  son  enseignement  est  gravé  en  moi.

    Cela  fait  25 ans  que  je  le  lit.

    Une  transmission  spirituelle  peut  aussi  dans  certains  cas  se  faire par  les  livres.

    Cela  ne  fait  pas  longtemps ,quelques  années  a  peine  que  je  ressent  un  vrai  changement  en  moi.

    Comme  il  dit  si  bien,son  enseignement  peut  mettre  des  années  a  cristalliser.

     

    Patience,perseverance,et  amour  infini  sont  ses  maitre  mots.

    Merci  pour  tes  conseils,je  vais  devenir  championne  en  orthographe

    Je t 'embrasse.

    5
    Vendredi 24 Septembre 2010 à 12:42
    Yog' La Vie

    Oui, heureusement qu'il y a les livres car tout le monde n'a pas la chance, pour des raisons pratiques,  de rencontrer un maître. La persévérance, c'est ce à quoi je vais être confrontée aujourd'hui.

     

    Je te remercie vraiment Danielle de faire ces efforts d'écriture. C'est beaucoup plus agréable. Rien n'est perdu, cela pourra te servir dans le cas d'envoi de courriers administratifs. Et puis cela fait faire un petit exercice de concentration, donc de présence!  Je peux rajouter un petit quelque chose? Les virgules et les apostrophes se mettent juste après le mot (sans espace)  et ensuite on met un espace.

     

    Bises.

    4
    Jeudi 23 Septembre 2010 à 21:05
    Yog' La Vie

    Construire son moi et puis s'en défaire. Passage obligé.

    Bise

    3
    Jeudi 23 Septembre 2010 à 20:59
    Yog' La Vie

    La spiritualité n'est autre que cela. Faire au plus présent sans cogitation... Mais malgré tout c'est souvent une simplicité difficile à mettre en oeuvre.

    2
    Jeudi 23 Septembre 2010 à 20:57
    Yog' La Vie

    Tu l'a rencontré?

     

    Pour l'accent, il faut faire cela en deux temps. Appuyer sur la touche ^ qui est à droite du "P" puis sur la lettre. (a ou e, i, o, u)

     

    Bonne soirée Danielle!

    1
    Jeudi 23 Septembre 2010 à 18:41
    marie-claude

    voilà bien le ridicule de nos sociétés, on passe une grande partie à apprendre ce que l'art de vivre nous convie de désapprendre !

    amitié . 

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