• Être ou s’identifier, telle est la question

     

    Pris sur le passionnant site de  http://zone-7.net/

     

    L’âme, notre réel « je » est le sujet de la conscience et ce sur quoi nous focalisons notre conscience est son objet. Tant que nous ne savons pas ou ne réalisons pas que nous sommes une âme immatérielle, une entité spirituelle, nous nous identifions à l’objet de notre conscience. Ce processus est appelé identification et n’est pas un état naturel de la conscience. Par exemple, lorsque nous focalisons notre conscience sur notre corps physique, nous avons tendance à nous y identifier : « Je suis ce corps ». Mais nous ne sommes pas ce corps et la preuve est que nous pouvons regarder ce corps et dire : « Ceci est ma main, ceci est mon pied, ceci est mon cerveau ». Nous pouvons même dire : « Ceci est mon esprit, ceci est mon intelligence, ceci est mon ego ». Mais où est la personne, l’être conscient qui est en relation avec et croit posséder toutes ces choses? Où est le « je » dont nous pouvons identifier le pied, la main, etc. comme étant « sien »? [1]

    - David Bruce Hughes

     

    La question peut paraître étrange et surprenante, certes, mais il serait difficile d’être plus terre-à-terre relativement à une question existentielle, et l’éternel « qui suis-je? » qui hante tout chercheur de vérité sincère prend ici toute sa signification.

    Le constat qui se dégage de ce questionnement est que ce que « nous sommes » – dans le quotidien du consensus habituel – ne se résume, en réalité, qu’à la somme de nos identifications. Pour peu que nous nous observions honnêtement, nous nous rendons compte que toutes nos identifications sont d’ordre extérieur, c’est-à-dire qu’elles ont pour fondement l’objet de notre conscience : le chien qui aboie, les vêtements que nous portons, une douleur à une dent, un sentiment de tristesse, la musique ambiante, le tableau qui nous émeut, le travail que nous accomplissons, le/la conjoint(e) qui parle, la faim qui nous tenaille, les pensés qui nous traversent l’esprit, la tasse de café devant nous, etc. Et bien que certaines de ces identifications puissent sembler « intérieures », comme un sentiment ou une douleur, il n’en est rien : elle demeure une identification à l’objet observé et non à l’observateur lui-même. Par définition, l’identification (au sens du travail sur soi) est toujours externe.

    Il en résulte une dissociation « spirituelle » ou identitaire vis-à-vis la « source » de la conscience. Tout comme le dit David B. Hughes, le fait de s’identifier à l’objet de notre conscience plutôt qu’à la conscience elle-même est à l’origine d’une séparation fondamentalement erronée et insidieusement douloureuse.

    Dans l’optique d’une spiritualité objective, l’identification est l’un des concepts clés des Enseignements Traditionnels et une notion primordiale en termes de connaissance et d’observation de soi. Celle-ci doit être étudiée de près et profondément comprise, car elle est la cause principale de nos toutes émotions négatives parasitaires et donc d’une quantité considérable d’énergie gaspillée qui ne nous est plus accessible pour notre développement.

    Nous conviendrons aisément que de s’identifier à un bol de céréales ne nous mène à rien qui vaille, mais c’est pourtant ce que nous faisons constamment. Nous en avons la preuve lorsque le chat vide ce bol de son lait pendant que nous avons le dos tourné et que nous nous mettons en colère. Comme le disait Vernon Howard : « Vous vous levez le matin et vous vous énervez pour une tasse de café renversée. Il n’est pas étonnant que vous soyez épuisés avant la fin de la journée! ».

     

    Notre propension à l’identification est sans bornes : elle est constante et en tout.

     

    L’identification est un état étrange dans lequel l’homme passe plus de la moitié de sa vie. Il « s’identifie » à tout : à ce qu’il dit, à ce qu’il éprouve, à ce qu’il croit, à ce qu’il ne croit pas, à ce qu’il désire, à ce qu’il ne désire pas, à ce qui l’attire, à ce qui le repousse. Tout l’absorbe et il ne peut se séparer de l’idée, de l’émotion ou de l’objet qui l’absorbe. Ceci signifie que, en état d’identification, l’homme est dans l’incapacité d’observer impartialement l’objet de son identification. Il est difficile de trouver la plus petite chose avec laquelle l’homme ne puisse « s’identifier ». [...] Des manifestations telles que le mensonge, l’imagination, l’expression des émotions négatives, le bavardage incessant exigent l’identification. Elles ne peuvent exister sans identification. Si l’homme pouvait se libérer de l’identification, il pourrait se défaire de nombre de manifestations inutiles et stupides. [2]

     

    - P.D. Ouspensky

     

    Prenons l’exemple d’un roman ou d’un film. Si nous n’étions pas en constant état d’identification, nous n’adhérerions pas à l’histoire qui nous est présentée puisque celle-ci n’a, en soi, rien de réel : ce ne sont que des mots ou des images et des sons sans lien aucun avec notre existence intrinsèque et ces derniers n’ont, à proprement parler, aucune valeur. Le succès des romans et des films ne repose donc que sur notre perpétuel état de « transe hypnotique » par laquelle le « je » disparaît au profit de l’objet de notre attention. Il en va de même pour les jeux vidéo, l’art, les sports, la morale, la politique, la religion, etc. Pratiquer l’une ou l’autre de ces activités en état de détachement complet (de non-identification) est une toute autre expérience que celle que nous vivons habituellement.

    Observer une foule en délire dans un stade olympique peut nous en apprendre beaucoup sur nous-mêmes ainsi que sur la société en général : de l’euphorie à la rage en passant par l’attente anxieuse, la déprime ou les sentiments de supériorité, nous avons là un exemple parfait de la totale mécanicité de l’être humain soumis à la « Loi Génerale », c’est-à-dire aux influences externes. Dans un tel état d’identification, nous pouvons dire adieu au noble et beau concept de libre arbitre – littéralement.

    Regardez les gens dans les magasins, les théâtres ou les restaurants. Voyez comment ils s’identifient avec les mots quand ils discutent ou essaient de prouver quelque chose, particulièrement quelque chose qu’ils ne connaissent pas. Ils ne sont plus que désir, avidité, que paroles : d’eux-mêmes, il ne reste rien. [...] Tant qu’un homme s’identifie ou est susceptible de s’identifier, il est l’esclave de tout ce qui peut lui arriver. La liberté signifie avant tout de se libérer de l’identification. [3]

    - Gurdjieff

     

    Vers une non-identification

    La pratique de la non-identification (souvent appelée détachement) permet une plus grande objectivité de l’observation et de la compréhension que nous avons de nous-mêmes et du monde qui nous entoure. Mais nous libérer de l’identification, dans la majorité des cas, est une tâche impossible car nous ne nous apercevons tout simplement pas de notre état, « de nous, il ne reste rien« . L’allégorie suivante nous servira à illustrer ce constat et en déduire un enseignement utile :

    L’histoire raconte qu’un voyageur avançait péniblement sur son chemin avec une grosse roche dans une main et une large brique dans l’autre. Il portait, sur son dos, un sac de terre et, attaché autour de la taille, un long pied de vigne qui traînait derrière lui. Il avait aussi, en équilibre sur sa tête, une lourde citrouille.

     

    Sur son chemin, il rencontra un villageois qui lui demanda : « Voyageur fatigué, pourquoi t’encombres-tu de cette grosse roche? »

     

    « C’est étrange, » répondit le voyageur, « mais je ne l’avais jamais remarquée auparavant ». Il laissa alors la roche derrière lui et se sentit plus léger.

     

    Plus tard, un autre villageois s’enquit : « Dites-moi, pauvre voyageur, pourquoi vous fatiguer à transporter cette lourde citrouille? »

     

    « Je suis content que vous me l’indiquiez, » répondit le voyageur, « parce que je ne m’apercevais pas de ce que je m’imposais ». Alors il déposa la citrouille et continua son chemin d’un pas beaucoup plus léger.

     

    C’est ainsi que, un à un, les villageois lui firent prendre conscience de ses fardeaux inutiles. Et c’est ainsi que, un à un, il les abandonna. Au final, il était un homme libre et voyageait désormais sans soucis. [4]

     

    C’est notre ignorance de ce qui est qui nous empêche de réellement avancer. Et n’eût été des villageois rencontrés, notre voyageur n’aurait pas voyagé très longtemps. Ceci nous mène à une déduction qui peut nous être d’une aide importante : par « les autres », nous pouvons être informés sur notre état d’identification lorsque ceux-ci nous rappellent et nous font prendre conscience du fardeau que nous portons sans nous en rendre compte. Et par « les autres », il faut se rappeler que cela inclut aussi le bol de céréales et la tasse de café ;) Comment les acteurs de notre environnement externe nous rappellent-ils de nos fardeaux inutiles d’identification? Lorsqu’ils suscitent en nous des émotions négatives. Quand la colère, la tristesse, la frustration, la haine et l’irritation surgissent en nous, c’est que nous sommes en état d’identification et ce rappel brutal à l’ordre est une opportunité sans pareil pour observer, comprendre et en déjouer les mécanismes.

    Et bien que nombre de sentiments positifs soient aussi le fruit d’une identification, nous ne serons jamais en mesure de nous en rendre compte tant que nous n’aurons pas travaillé longtemps à en comprendre le mécanisme à l’aide des « chocs » nécessaires au rappel de soi via les émotions négatives.

     

    En conclusion

    Cafés renversés, paroles blessantes et problèmes insolubles sont autant de « villageois » sur notre parcours de « voyageur » de la vie pour nous rappeler que nous nous identifions à la roche et à la citrouille au prix d’une dépense énergétique inutile qui ampute notre développement, et nous avons tout intérêt à nous en servir comme levier au rappel de soi.

     

    -Webmestre Zone-7

     


    NOTES :

    [1] David Bruce Hughes, Healing the Pain, traduction libre Zone-7.

    [2] Cinq conférences de P.D. Ouspensky.

    [3] G.I. Gurdjieff cité dans Fragments d’un enseignement inconnu, Éditions Stock, p. 219.

    [4] Howard Vernon, Psycho-pictography, New Life Foundation, p. 32, traduction libre Zone-7

     

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  • Commentaires

    1
    El
    Jeudi 27 Mars 2014 à 15:46

    Géniale cette Zone-7, merci merci :)

    Le choix des extraits est lui aussi tout à fait formidable ! ! !

     

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